Le mois du Ramadan, sous le signe de l’invocation
Bienvenue au Ramadan, un mois tellement capital que « les portes du ciel s’ouvrent, les portes de la géhenne se ferment et les démons sont enchaînés » dès son commencement [1]. Le Coran et les hadiths nous fournissent quelques points sur l’importance de ce mois.
– C’est le mois du jeûne obligatoire [2].
– C’est le mois de la révélation du Coran [3].
– C’est le mois comportant Laylat-ul-Qadr (la nuit du destin) [4].
Les mérites de ce mois sont nombreux (spirituels, sociaux, santé, etc.). Mais ce mois offre également des conditions favorables à l’invocation exaucée, ce dont nous avons grandement besoin actuellement. En effet, à l’ère où la terre semble étroite pour ceux et celles qui souhaitent simplement pratiquer leur foi, le recours à l’invocation en plus de l’effort s’impose. C’est la tradition des prophètes de chercher protection contre les injures et les insultes de la part de leurs détracteurs ou toutes autres épreuves en se tournant vers Dieu avec l’invocation [5]. Ils ont été suivis dans cette voie par nos pieux prédécesseurs, nos Imams et savants vertueux. Nous devrions les prendre pour modèles en ces temps difficiles pour les porteurs de foi, mais encore plus difficiles pour ceux qui ont pris d’autres référents que Dieu.
Nous n’aborderons pas l’aspect jurisprudence (fiqh) du jeûne. Il existe suffisamment de livres et d’articles qui ont traité ce sujet. Ainsi, il est de notre devoir de nous référer aux personnes qui savent et à ces écrits afin de voir ou de revoir les conditions de validité du jeûne et les comportements pouvant l’annuler. En effet, il se peut qu’un « jeûneur ne reçoive rien de son jeûne sauf la faim » [6].
Notre objectif est de bien profiter de ce mois béni, qu’il soit un nouveau départ pour nous avec le repentir et l’intention de nous rapprocher de Dieu SWT. Il s’agit alors d’acquérir de bonnes habitudes pendant ce mois et de les préserver après son avènement par la permission de Dieu. Pour y arriver, il faut remplir certaines conditions dont l’effort et l’invocation. Cette dernière est cruciale pendant la période du Ramadan.
Invocation
« Si tu demandes, adresse-toi à Dieu. Lorsque tu sollicites une aide, sollicite-la de Dieu » est le conseil que le Prophète (paix, salut et bénédiction sur lui) a donné à Abdoullâh ibn Abbas [7], l’invocation est donc notre cheval de bataille tout au long de ce mois béni. « L’invocation est l’essence de l’adoration », disait le Prophète (paix, salut et bénédiction sur lui) [8]. Or, le mois de Ramadan présente de nombreuses occasions et de conditions favorables pour la multiplication des invocations exaucées.
Les pré-requis pour une invocation exaucée
Pour que nos invocations ne soient pas simplement des incantations stériles, il y a des conditions à respecter.
Le point de départ est de respecter les prescriptions divines selon cette Parole de Dieu : « Je réponds à l’appel de celui qui Me prie quand il Me prie. Qu’ils répondent à Mon appel » [9]. Nous répondrons à l’appel de Dieu en évitant ce que le Prophète (paix, salut et bénédiction sur lui) nous a interdit et en accomplissant, selon notre capacité, ce qu’il nous a recommandé [10].
Le repentir est la base de notre retour à Dieu. Il comporte, entre autres, le renoncement au péché, le regret de l’avoir commis, la volonté ferme de ne plus recommencer et la réparation quand ce péché a lésé un tiers. Le mois de Ramadan est également celui de l’expiation des péchés comme précisé à travers les hadiths suivants : « La période entre […] deux Ramadans consécutifs est une expiation pour tout ce qui est arrivé pendant cette période, à condition que l’on ait évité les péchés graves » [11]. « Celui qui jeûne pendant le mois de Ramadan avec une foi sincère et la volonté de gagner le pardon de Dieu, alors tous ses précédents péchés seront pardonnés » [12]. Profitons-en.
L’alimentation saine fait partie des conditions à respecter pour une invocation exaucée. Ici, il ne s’agit pas seulement de la viande halâl, les excès dans ce qui est licite sont à éviter également. Ne transformons pas ce mois en une période de grande consommation. En matière de viande, nous savons que la marque halâl n’est pas une « appellation d’origine contrôlée ». N’importe quoi pourrait porter cette étiquette, la prudence est donc de rigueur dans notre choix. Le Prophète (paix, salut et bénédiction sur lui) nous a donné l’exemple d’ « un homme qui […] tend les mains vers le Ciel [s’écriant] : ô Seigneur, ô Seigneur ! Alors que sa nourriture est illicite, sa boisson illicite, ses vêtements illicites et qu’il s’est nourri de choses illicites. Comment serait-il exaucé ? » [13].
D’autres vertus à acquérir pour une invocation exaucée incluent: la conviction et la certitude que Dieu nous répond [14], la sincérité, l’humilité et la patience.
La manière
Il est d’usage et très recommandé de toujours commencer nos invocations en glorifiant et louant Dieu (avec la récitation de la sourate al-fatiha, ou le début au moins) et en demandant la bénédiction sur le Prophète (paix, salut et bénédiction sur lui) ; ensuite, nous exprimons notre demande, nous concluons avec la prière sur le Prophète (paix, salut et bénédiction sur lui) et nous terminons avec les trois derniers versets du chapitre 37 du Coran (As-Saffat – Les rangées), à savoir, « Gloire à ton Seigneur, le seigneur de la puissance. Il est au-dessus de ce qu’ils décrivent ! Et paix sur les Messagers, et louange à Dieu, Seigneur de l’univers ! ».
Mentionner abondamment les plus beaux Noms de Dieu et répéter trois fois nos demandes sont dans la tradition du Prophète (paix, salut et bénédiction sur lui).
Le fait de nous tourner en direction de la Ka’ba et de lever les mains font partie de bonnes manières en matière de l’invocation. De nombreux hadiths authentiques vont dans ce sens.
Les conditions favorables
Le mois de Ramadan est unique dans la mesure où il offre des opportunités à la réalisation et la multiplication des œuvres surérogatoires, donc propice aux invocations.
Passons alors une journée de Ramadan ensemble.
Au moment de la rupture de jeûne (iftar)
En Islam, le jour commence au moment de la prière du Maghrib. C’est le temps de la rupture de jeûne. Il faut alors faire précéder ce moment par de l’invocation car le Prophète (paix, salut et bénédiction sur lui) nous a informé que « l’invocation du jeûneur au moment où il rompt son jeûne n’est pas rejetée » [15].
La prière de la nuit (qiyam-ul-layl)
Ceci est une prière très primée avec beaucoup de preuves dans le Coran et les hadiths. Nous avons souvent du mal à accomplir cette prière en dehors de cette période. Pendant le mois de Ramadan, nous avons l’occasion de la pratiquer dans la première partie de la nuit avec la prière de tarawihs, organisée dans la plupart des mosquées. Cette prière nous permet d’écouter le Coran, et de faire beaucoup d’invocations dans les prosternations (sujud) qui sont plus nombreuses dans cette prière. En effet, le moment de prosternation est l’une des meilleures périodes pour l’invocation exaucée conformément à cette parole du Prophète (paix, salut et bénédiction sur lui) : « Le moment où on est le plus proche de son Seigneur est pendant les prosternations (sujud), donc invoquez beaucoup Dieu » [16].
Le repas d’avant-aube (Sahūr)
« Prenez le Sahūr. Certes, le Sahūr contient de la bénédiction » [17] disait le Prophète (paix, salut et bénédiction sur lui). Ce repas pris avant l’aube pour jeûner est une occasion supplémentaire d’honorer un rendez-vous avec notre Seigneur. En effet, d’après un hadith rapporté par Abou Horayra et recueilli par Al-Bukhari et Muslim, « Notre Seigneur, l’Exalté et Très Haut, descend chaque nuit au ciel le plus bas à l’heure du dernier tiers de la nuit et dit : Qui M’invoque ? Pour que J’accepte son invocation. Qui Me demande ? Pour que Je lui donne. Qui sollicite Mon pardon ? Pour que Je lui pardonne ? » Le moment qui sépare le Sahūr et l’appel à la prière (Adhan) pourrait être utilisé pour accomplir la prière de l’avant aube(Tahajjoud) et également pour l’invocation et le repentir. Selon un hadith, c’est « un intervalle qui suffit pour réciter cinquante versets (du Saint Coran) » [18].
Les dix derniers jours
Notre mère Aïcha, d’après Al-Bukhari, a rapporté que « lorsque la dernière dizaine commençait, le Prophète (paix, salut et bénédiction sur lui) s’activait dans l’adoration, réveillait sa famille et passait la nuit en priant ». Ce hadith nous montre l’importance de ces jours. Nous devons marquer cette période par une intensité spirituelle toute particulière, et passer ces nuits à prier, à évoquer et invoquer Dieu, et à réciter le Coran. D’après un autre hadith, « le Prophète (paix, salut et bénédiction sur lui) faisait sa retraite (i’tikaf) pendant la dernière dizaine de Ramadan et ce, jusqu’à sa mort. Ses épouses ne cessèrent de faire la même chose, après lui » [19]. Ces jours comportent « une nuit [Laylat-ul-Qadr] qui est meilleure que mille mois. Qui est privé de son bien est vraiment dépossédé [de quelque chose de grand] » [20]. Il est à noter que personne ne peut connaître exactement de quelle nuit il s’agit. « Elle est parmi les neuf ou les sept dernières nuits » [21]. Ainsi, la 27ième nuit souvent célébrée n’est qu’une hypothèse parmi d’autres. Le Prophète (paix, salut et bénédiction sur lui) a recommandé de répéter cette invocation au cours de la nuit du Destin: « Ô mon Dieu! Tu es indulgent, Tu aimes le pardon: fais-moi grâce! [Allahoumma innaka ‘afouwwoune touhibbou al’afwa fa’fou ‘anni] ».
La générosité et le Coran
A part l’invocation, nous rappelons que le Ramadan est aussi le mois où il est conseillé de multiplier les actes de charité. Nous devons également consacrer du temps à la récitation et à l’étude du Coran. En effet, « le Prophète PBSL était le plus généreux des humains et plus encore pendant le Ramadan quand Gabriel venait le voir. Il (le Prophète) le rencontrait chaque nuit et récitait le Coran » [22].
Conclusion
Voici quelques actes que nous pouvons commencer au mois de Ramadan en espérant les poursuivre au-delà de ce mois. « Faites les actes à la mesure de vos capacités, car Dieu ne se lasse jamais alors que vous vous lassez. Aïcha (que Dieu l’agrée) rajoute, la plus aimée des prières au Prophète PBSL est celle qui est régulière même si elle courte, et lorsqu’il (PBSL) faisait une prière, il observait sa régularité » [23].
« Seigneur, ne nous châtie pas s’il nous arrive d’oublier ou de commettre une erreur. Seigneur ! Ne nous charge pas d’un fardeau lourd comme Tu as chargé ceux qui vécurent avant nous. Seigneur ! Ne nous impose pas ce que nous ne pouvons supporter, efface nos fautes, pardonne-nous et fais-nous miséricorde. Tu es Notre Maître, accorde-nous donc la victoire sur les peuples infidèles » [24].
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Note :
[1] Hadith rapporté par Abou Hourayrah, recueilli par Al-Bukhari
[2] L’un des piliers de l’Islam d’après les versets suivants : « Ô les croyants ! On vous a prescrit le jeûne (aş-Şiyam) comme on l’a prescrit à ceux d’avant vous, ainsi atteindrez-vous la piété » (Le Coran, chapitre 2, verset 183).
[3] « (Ces jours sont) le mois de Ramadan au cours duquel le Coran a été descendu comme guide pour les gens, et preuves claires de la bonne direction et du discernement. Donc, quiconque d’entre vous est présent en ce mois, qu’il jeûne ! » (Le Coran, chapitre 2, verset 185).
[4] Cette nuit est connue sous le nom de la nuit du destin car selon le Coran (et hadith), Dieu SWT décrète le cours des choses pour l’année à venir. « Par le Livre (le Coran) explicite. Nous l’avons fait descendre en une nuit bénie […] durant laquelle est décidé tout ordre sage, c’est là un commandement venant de nous » (Le Coran, chapitre 44, versets 2-5). « Nous l’avons certes, fait descendre (le Coran) pendant la nuit d’Al-Qadr » (Le Coran, chapitre 97, verset 1). « La nuit d’Al-Qadr est meilleure que mille mois » (Le Coran, chapitre 97, verset 3).
[5] Voir l’exemple de Noé (paix sur lui) qui « invoqua donc son Seigneur : Moi, je suis vaincu. Fais triompher (Ta cause) » (Le Coran, chapitre 54, verset 10) ; de Jonas (paix sur lui) avec son invocation alors qu’il est en difficulté dans le ventre d’une baleine « Pas de divinité à part Toi ! Pureté à Toi ! J’ai été vraiment du nombre des injustes » (Le Coran, chapitre 21, verset 87) ; de Job (paix sur lui) qui implora Dieu « Le mal m’a touché. Mais Toi, Tu es le plus miséricordieux des miséricordieux » (Le Coran, chapitre 21, verset 83) ; du Prophète (paix, salut et bénédiction sur lui) après un accueil hostile à Ta’if.
[6] Hadith rapporté par Abou Hourayrah, recueilli par An-Nasa’i, Ibn Majah, Al-Hakim.
[7] Hadith rapporté par Abdoullâh bin Abbas, recueilli par At-Tirmidhî.
[8] Hadith rapporté par Anas bin Malik, recueilli par At-Tirmidhî.
[9] Le Coran, chapitre 2, verset 186.
[10] « Ce que je vous ai interdit évitez-le, et ce que je vous ai recommandé de faire accomplissez-le selon votre capacité. » (Hadith rapporté par Abou Hourayrah, recueilli par Al-Bukhari et Muslim).
[11] Hadith rapporté par Abou Hourayrah, recueilli par Muslim.
[12] Hadith rapporté par Abou Hourayrah, recueilli par Al-Bukhari.
[13] Hadith rapporté par Abou Hourayrah, recueilli par Muslim
[14] « S’il Me demande, assurément Je l’exaucerai » (Hadith qudsi rapporté par Abou Hourayrah, recueilli par Al-Bukhari).
[15] Hadith rapporté par Abdoullâh Ibn `Amr Ibn Al-`Âs, recueilli par Ibn Majâh.
[16] Hadith rapporté par Abou Hourayrah, recueilli par Muslim.
[17] Hadith rapporté par Anas bin Mâlik, recueilli par Al-Bukhari.
[18] Hadith rapporté par Anas bin Mālik, recueilli par Al-Bukhari.
[19] Hadith rapporté par Aïcha, recueilli par Al-Bukhari.
[20] Hadith rapporté par Abou Hourayrah, recueilli par Ahmad, An-Nasa’i et Al-Baihaqi.
[21] Hadith rapporté par Abdullah bin Abbas, recueilli par al-Bukhari.
[22] Hadith rapporté par Abdullah bin Abbas, recueilli par Al-Bukhari.
[23] Hadith rapporté par ‘Aïcha, recueilli par Al-Bukhari.
[24] Le Coran, chapitre 2, verset 286.