Ceci est notre voie : Les fondements de la foi (1/2)

La prise de conscience de la nécessité de la quête de Dieu a fait l’objet de la première partie de cet article[1]. L’encouragement de prendre connaissance de la spiritualité musulmane souvent caricaturée involontairement par des musulmans, et intentionnellement par ses détracteurs est également abordé.

 

Nous allons présenter et rappeler ce qui différencie l’Islam des autres spiritualités en isme (l’hindouisme, le bouddhisme, le taoïsme, le judaïsme, le christianisme). Comprendre l’Islam permettra à ceux en quête de sens à leur vie de connaître l’enseignement de l’Islam, aux musulmans de raffermir leur foi. Peut être parviendrons-nous à ne plus nous attarder sur les idées préconçues, et à surmonter les préjugés qui font obstacle sur le chemin qui mène à Dieu.

Islam, la partie et le tout

« Dis (ô Muhammad) : Voici ma voie, … »[2]. Tel est l’ordre de Dieu à notre Prophète bien aimé, paix et salut de Dieu sur lui. Ceci est à la fois une proclamation et une affirmation. De quelle voie s’agit-il alors ? La réponse se trouve évidemment à la suite de ce même verset « … j’appelle les gens à Dieu, moi et ceux qui me suivent ». Cette voie est donc dine .Ce concept de dine est le plus souvent mal restitué dans les langues indo-européennes, en français la traduction proposée est « religion ». Cette traduction réductrice fausse largement la réelle signification de ce mot. C’est d’ailleurs un phénomène qui ne se limite pas uniquement au terme dine, comme nous avons déjà mentionné pour jihâd, shariah et bien d’autres encore. Il est évident que ces vices de sémantique contribuent à nourrir de nombreux malentendus entre les musulmans et leurs interlocuteurs, interlocuteurs peu sensibilisés à la large signification des concepts proposés par l’Islam. 

Il devient primordial de faire le nécessaire pour que chaque mot mal interprété puisse retrouver son vrai sens auprès des spécialistes mais aussi auprès du grand public. Parvenir à ce résultat nécessite de briser les moules de pensées qui nous sont proposés afin de nous libérer des préjugés et de procéder à une œuvre d’assainissement de l’esprit. La tâche paraît certes titanesque, les moyens sont inégaux, mais le travail du renouveau n’a jamais été facile. C’est en s’attaquant à ce que l’on croit impossible (à première vue) que l’on arrive à se rendre compte ô combien difficile était la mission du Prophète, que la paix et le salut soient sur lui, et de ses compagnons.

Il convient à présent, à notre niveau, de déterminer comment procéder pour mieux appréhender notre référence. L’approche utilisée chez les usuli-ine (experts de la science islamique) semble être une solution pour aborder ce problème. Elle consiste à donner la définition du mot concerné dans la langue européenne et d’expliquer son sens dans la terminologie musulmane. Nous devrions ainsi lever bon nombre d’incompréhensions à l’égard des musulmans.

Le concept de « Dine »

Du point de vue littéraire

Appliquons le principe énoncé précédemment, le mot dine du point de vue coranique peut être défini par plusieurs mots dans la langue française. Parmi ces mots, citons subjugation, autorité, souveraineté, obéissance, soumission (qui dérive de la subjugation), méthode, habitude, jugement, récompense, punition, etc.

De ceci, nous pouvons tirer les conclusions suivantes : la souveraineté et l’autorité appartiennent à Dieu, l’obéissance et la soumission sont le fait de Dieu, la manière ou la compréhension (intellectuelle et pratique) est établie par Dieu, la récompense est donnée par Dieu à ceux qui Lui obéissent et se soumettent, et la punition infligée aux rebelles et aux désobéissants dépend de Dieu.

Ainsi, dine est la soumission, l’adoration du Créateur, le Souverain, le Contraignant dans un mode de vie comportant l’aspect du credo de la foi, les aspects intellectuels et pratiques, spirituels et temporels, les relations entre les créatures, les affaires privées et publiques, les obligations individuelles et communautaires (ou collectives). Une partie de ces principes est d’ailleurs partagée par les deux autres spiritualités, dite abrahamique, à savoir, le judaïsme et le christianisme.

Nous constatons que nous sommes bien loin de la définition du mot religion : « ensemble de croyances ou de dogmes et de pratiques cultuelles qui constituent les rapports de l’homme avec la puissance divine (monothéisme) ou les puissances surnaturelles (polythéisme, panthéisme) » ne gérant pas, de fait, pas les rapports entre les hommes. Ceci peut expliquer les injonctions subies par les musulmans, injonctions consistant à dire que la religion est une affaire privée et individuelle et non ostentatoire. Nous comprenons alors ce « rappel à l’ordre », qui est le fruit d’un malentendu mais nous ne le partageons pas. Il appartient aux musulmans de corriger le tir en présentant une définition correcte de ce mot du point de vue coranique afin d’éviter toute interprétation erronée et empêcher que ce genre d’injonctions ne deviennent monnaie courante. Faut-il aussi nous rapprocher des rédacteurs des dictionnaires afin de prendre en compte la spécificité de l’Islam concernant la définition des mots ?

Les musulmans de langue anglaise définissent parfois le mot dine par « Life Transaction », ce qui pourrait signifier « monnayer sa vie » ; chaque minute vécue dépensée dans le bien devenant un moyen d’acquérir la récompense divine. Il s’agit donc bien d’une transaction entre la vie d’ici-bas et la Vie Dernière. Ce terme est peut être plus facile à assimiler par une société généralement dominée par des notions économiques. Ce concept est évoqué par la tradition prophétique et le Coran : « Ô vous qui avez la foi ! Vous indiquerai-je un commerce qui vous sauvera d’un châtiment douloureux ? Ayez foi en Dieu et en Son messager et engagez-vous avec vos biens et vos personnes dans le chemin de Dieu »[3]. Aussi, le Prophète, paix et salut sur lui, n’a-t-il pas dit que « tout homme débute sa journée commerçant de son âme : il l’affranchit ou la conduit à sa perte »[4]. Ainsi, dans cette « life transaction » les fonds de commerce sont la durée de vie, le corps, les biens, la richesse, la raison, la santé, etc. La faillite consistant alors à mal les investir. Ce sera alors la grande perte dans la Vie Dernière.

Du point de vue de la terminologie islamique

« C’est Gabriel (Jibrîl) qui est venu vous enseigner votre dine » dit le Prophète, paix et salut sur lui, dans un hadith dit « hadith Jibrîl » rapporté par ‘Umar ibn Al Khattab et recueilli par Muslim. Ce hadith qui présente les différentes étapes de dine (Islam, Imân et Ihsân) est suffisant pour comprendre la signification complète de ce concept. Rappelons qu’un hadith est tout ce qui est rapporté du Prophète, paix et salut sur lui, concernant ses paroles, ses actes et ses acquiescements des actions accomplies en sa présence, pour simplifier; à ne pas confondre avec la sunnah ou le minhaj, deux concepts coraniques qui méritent également des explications. En complément, citons un autre hadith où le Prophète, paix et salut sur lui, nous enseigne que « le dine, c’est an-nassiha (sincérité, conseil, rareté, clarté). – Envers qui, demandèrent les compagnons? – Le Prophète de répondre : Envers Dieu, Son Livre, Son Envoyé, les Imams et l’ensemble de la Communauté »[5]

Les fondements de « dine »

Les fondements de dine peuvent se résumer par une partie de la parole que le Prophète, paix et salut sur lui, nous a recommandé de dire avant la prière surérogatoire de la nuit : « Ô notre Seigneur, à Toi la louange, Tu es Celui par qui subsistent les cieux et la terre et ce qu’ils renferment, et à Toi la royauté des cieux et de la terre et de ce qu’ils renferment, et à Toi la louange ; Tu es la vérité, et Ta promesse est vérité, et Ta rencontre est vérité, et le Paradis est vérité et l’Enfer est vérité, et les prophètes sont vérité, et Muhammad  est vérité, et l’Heure [marquant la fin du monde] est vérité. O mon Seigneur, je me soumets à Toi, j’ai foi en Toi, et en Toi, je place toute ma confiance et vers Toi je me tourne, et par Toi je combats, et en toute chose Tu es mon arbitre ».

Ainsi, on peut résumer les fondements de dine en quelques points : Dieu est Le Créateur de toute chose ; Il est sans début ni fin ; Il est Unique dans Son Essence, Ses attributs, Ses Actions ; Il est comme Il S’est défini ; la perfection divine est Sienne alors que tout ce qui est contraire à cette perfection divine est impossible pour Lui ; tous Ses envoyés (de Adam à Mohammad, paix et salut de Dieu sur eux) sont véridiques et dignes de confiance; les anges sont vérités et ne désobéissent jamais à Dieu ; les Livres révélés sont vérités et réels; la mort en temps prescrit est vérité; la vie de la tombe, interrogation par Munkar et Nakir (les deux anges) de ses habitants, l’aisance et la punition de la tombe sont vérité; le Jour de Jugement est vérité; l’Enfer est vérité; le Paradis est vérité, tout ce que Mohammed,paix et salut sur lui, a apporté est vérité.

Toute personne espérant rencontrer Dieu doit s’accrocher fermement à ces préceptes de base qui constituent la partie essentielle de la foi. Ces principes de base doivent devenir une connaissance pour les élites. En ce qui concerne les intimes de Dieu, c’est-à-dire, les élites des élites, ils doivent méditer sur ces connaissances qui deviennent alors une certitude aboutissant à une vision claire. Une vision claire qui permet de mener une vie sereine et apaisée quelque soit l’environnement.

Ainsi se résume ce que devrait être la base de l’action et de la pratique. C’est la première partie indispensable de dine. Nous nous rappelons ici que l’acquisition de cette base est un don de Dieu. En effet, de nombreux versets nous rappellent ce fait, Dieu guide qui Il veut. « Dis : En vérité, Dieu égare qui Il veut ; Il guide vers Lui celui qui se repent, ceux qui ont foi, et dont les cœurs se tranquillisent à l’évocation de Dieu. N’est-ce point par l’évocation de Dieu que se tranquillisent les cœurs ? »[6]. Mentionnons également ce hadith qudsi « Ô Mes serviteurs égarés, vous l’êtes tous, excepté celui que Je guide »[7]. Il faut néanmoins nous lancer à la recherche de Dieu, et entretenir ce don à travers l’aspect comportemental de dine.

 


[1] Voir l’article précédent : Donner un sens à sa vie

[2] Coran : sourate Joseph, verset 108

[3] Coran : Sûrat As-Saff (Le rang) n° 61, versets 10-11

[4] Hadith rapporté par Abû Mâlik al-Hârith ibn ‘Asim al-Ash’arî recueilli par Muslim

[5] Hadith rapporté par Abû Ruqaya Tamim ibn Aus ad-Dari et recueilli par Muslim

[6] Coran : Sûrat Ar-Ra’ad (Le tonnerre) n° 13, versets 27-28

[7] Hadith rapporté par Abû Dharr al-Ghifârî et recueilli par Muslim

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