D’Istanbul à Rabat…
Istanbul
Quelle juste attitude adoptée devant un homme épris de connaissance qui s’est exclusivement incorporé à l’esprit originel de la Tradition Prophétique et ainsi préservé par le Divin de ne point sacrifier aux idoles modernes : sciences discursives, morale, progrès, bonheur de l’humanité, autonomie de l’individu, la vie d’ici bas, tout ce fer et ce granit absurdes qui pèsent sur nos poitrines.
Que convient-il d’écrire au XXIème siècle si l’on souhaite attirer le regard des générations à venir sur une œuvre que l’on doit considérer comme l’une des plus singulières de notre temps et que celle-ci se constitue si complètement en dehors de la mentalité moderne.
Où ranger M. Yassine ? Dans quel tiroir de l’Histoire et de la philosophie ? À quel placard de la pensée le destiner ? Dans quel musée d’Orient et d’Occident ? Figer à jamais cette œuvre à l’écriture si fine et régulière qu’elle parait provenir d’un autre monde comme pour faire toucher du doigt les mouvements subtils du raisonnement ? Se peut-il qu’une telle œuvre soit perdue ? Doit-on oublier l’emprise des dizaines de livres dans lesquels cet homme a exposé sa méthode qui est une des plus grandes influences de notre époque ?
N’est-ce pas, après tout, le propre des très grands que de susciter des jugements d’autrui trop clivés pour être honnêtes ? N’est-il point opportun de s’aventurer sur un terrain découvert, avec la hardiesse d’un explorateur inédit, en refusant l’esprit partisan ? Ne convient-il pas de dépasser outre la trop vieille et encore vivante querelle de l’Histoire pour mieux comprendre et situer la pensée du Maitre Rénovateur ?
Le temps est-il venu enfin de dépasser toutes les résistances homéostatiques de la pensée figée et sclérosée depuis plusieurs siècles et de lever le voile sur cet Homme ? Tout au moins de revisiter avec patience, force et vigueur, l’ensemble de cette œuvre ? D’en extraire ces nombreuses pépites spirituelles dont l’Humanité a tant besoin pour ne plus rester dans cet âge sombre.
C’est à cette noble initiative qu’a répondu le premier congrès qui s’est déroulé à Istanbul le 1 et 2 décembre 2012, la conférence scientifique internationale sur le thème de « La centralité du Coran dans la théorie du Minhaj Ennabaoui » de M. Abdessalam Yassine. Des savants, penseurs, chercheurs, hommes de renom, venus des quatre coins du monde, ont loué une chose : l’ensemble des écrits de M. Yassine montre l’attachement de ce dernier au Saint Coran.
L’objectif de ce congrès, était de présenter un Savant, un Imam et un Penseur qui a fait du Noble Coran le point central de sa vision et de sa conception propre du changement de l’individu et de la société.
Le congrès
Ce congrès, une initiative qui a surpris même les participants. Pour le membre, c’était l’occasion de redécouvrir ou d’approfondir la pensée du Maitre Rénovateur. Pour ceux qui découvraient cette pensée, c’était l’occasion pour eux de découvrir une approche nouvelle et extraordinaire du Saint Coran.
Les intervenants qui passaient à tour de rôle témoignaient du génie humain ou surhumain de l’Homme. Homme de Dieu et Intellectuel, une harmonie qui peut s’exprimer par une question posée par un conférencier : « Peut-on parler d’une théorie de changement émanant d’un contact spirituel et intellectuel très puissant avec le Saint Coran ? »- Dr Jaouad MUFTISADA.
Chaque conférencier, à tour de rôle, était interpelé par le simple fait que, de passer en revue les titres des ouvrages de M. YASSINE, invite à la réflexion : « Loin de tout arbitraire, le choix des termes les composant tisse un réseau dont la clé de voûte est le Minhaj ».
Il serait difficile d’exprimer en peu de mots ce que nous avons vécu pendant ces deux jours. On pourrait s’étendre en rappelant les grandes lignes présentées par les différents conférenciers dont l’approche de la pensée a surpris. Me concernant, je retiendrai ceci : « En revanche, l’image de l’homme que l’Islam donne est celle de la personne humaine noble par essence et susceptible de mériter l’effort sur soi, par le perfectionnement du soi, la haute dignité de vicaire de Dieu sur terre. Le Coran propose à l’homme un code de devoirs et des droits, un itinéraire et une guidance pour que son passage sur terre lui permette de se préparer à la vie pleine après la mort.> » – El Minhaj d’après le Dr Khassim DIAKHATE
Voilà ce à quoi nous prépare l’homme de Dieu : « la vie pleine après la mort »
Rabat le Jeudi 13 décembre 2012 à 7H30
L’homme de Dieu s’est éteint par la volonté du Miséricordieux. Avec des cœurs pleins d’affliction et de soumission à la volonté divine, nous apprenons avec tristesse et joie le départ d’une figure glorieuse et d’un Savant hors du commun.
Tristesse de perdre un homme parmi les Hommes de Dieu qui nous a ouvert les cœurs à la grandeur divine.
Joie, parce que Dieu nous a honorés par la rencontre de celui qui marque une époque et dont l’Histoire parlera jusqu’à la fin des temps. Quel honneur pour nous que d’avoir été choisis par Dieu et d’avoir fait partie de ceux qui l’ont côtoyé de près ou de loin.
C’est des quatre coins du monde que se sont envolés ceux qui l’ont connu, ceux même qui l’ont suivi sans jamais l’avoir côtoyé de près. Cet engouement d’assister aux funérailles d’un Homme de Dieu comme Abdessalam YASSINE a surpris le Maroc lui-même. Ceux qui s’étaient déplacés affirmaient qu’ils étaient comme transportés, comme appelés.
Qui était ce trésor caché, le défunt Maitre, Professeur, Imam, Rénovateur Abdessalam YASSINE ? Qui était cet Homme qui a fait déplacer une foule énorme du monde entier et de tout le Maroc ? Il serait pour ma part difficile de parler de lui, mais à mon sens cette noble parole de notre Créateur soubhanaho wa ta’ala suffit :
« Quiconque offense un ami à Moi, Je lui déclare la guerre. Il n’est pas d’offrande plus agréable à Moi que l’accomplissement par Mon serviteur des obligations que Je lui ai assignées. Mon serviteur, s’il persévère dans les actes surérogatoires (facultatifs), finira par mériter Mon amour. Quand Je l’aurai aimé, Je deviendrai son ouï avec laquelle il entend, sa puissance de vision avec laquelle il perçoit le monde, sa main avec laquelle il agit et son pied avec lequel il marche. S’il M’invoque Je lui répondrai, s’il se réfugie en Moi Je serai son protecteur. Je n’hésite en rien de ce que Je veux faire sinon à reprendre l’âme de Mon serviteur ; lui n’aime pas mourir et Moi je n’aime pas qu’il soit contrarié ».
Telle était la position privilégiée de cet Homme de Dieu. Lorsque Dieu protège Ses Saints contre leurs ennemis, ces derniers ne se soucient plus d’eux-mêmes mais uniquement de Lui. Il ne comptait plus sur sa propre force (A. YASSINE), il se reposait entièrement sur Lui. « Dieu suffit à quiconque s’en remet à Lui » [At_Talaq,3] ; « Il est de notre devoir d’assister les croyants » [Al-Room, 47].
Les êtres qui connaissent Dieu et dont faisait partie Abdessalam YASSINE, ne se préoccupaient plus d’eux-mêmes. Il ne voyait que Lui (Dieu) comme seul Agent. Et comment ceux qui voient Dieu agissant au travers des créatures chercheraient-ils un soutien auprès de ces dernières? Comment Dieu les délaisserait-Il, alors qu’ils Lui ont livré leur âme charnelle et qu’ils se sont totalement soumis à Lui ? Les protégeant par la citadelle de Sa puissance et les dais de Sa gloire. Il les soustrait à toute chose sauf à Son souvenir, Son amour et Sa proximité. Sa langue (A. YASSINE) ne cessait de l’Invoquer (la illaha illa Allah) et son cœur exultait de recevoir Sa lumière. Il avait pour patrie Sa présence par la contemplation de Son unicité. Il atteignit la pleine réalisation spirituelle après avoir été éduqué par le maître de son époque, Cheikh el’Abbas, pendant six ans.
Notre noble Prophète, que la prière et la paix soit sur lui et sur sa famille, quand il annonça publiquement qu’il avait légué à sa communauté deux choses auxquelles il fallait tenir fermement afin de ne jamais s’égarer : le Coran et les membres de sa maison. Ce que je veux préciser ici, c’est que les dimensions multiples des sens du Coran, l’art de l’interpréter, et la méthode nécessaire pour passer de la théorie à une pratique qui permette d’arriver au but, tout cela est à chercher premièrement chez les membres éminents de la maison du Prophète, que la paix soit sur lui et sur sa famille. S’attacher à eux (dont était issu A. YASSINE) et suivre leur exemple, c’est devenir capable de naviguer sur les eaux tumultueuses des tentations, des séditions, des discordes et des autres périls qui ne manqueront pas d’affliger l’humanité et de se répandre de plus en plus largement avec le temps. Ce n’est pas dire que tout savoir est restreint aux descendants directs du Prophète, que la prière et la paix soient sur lui. Au contraire, sa communauté a produit d’innombrables grands savants et des hommes de Dieu de toute race, mais les membres de sa maison demeurent les dépositaires principaux du savoir le plus haut du Coran, un fait dont témoigne l’Histoire, mais aussi les grands savants et hommes de Dieu.
Le devenir
Aujourd’hui, peu après son décès, l’influence de l’Imam Rénovateur Abdessalam YASSINE reste aussi puissante que jamais et s’étend de plus en plus. Les raisons n’en sont pas difficiles à discerner. Il était le plus accompli de son époque ainsi qu’un géant de la spiritualité musulmane.
A lui a été dévolue la tâche de Rénover l’Islam (Tajdid Eddine) en reformulant le savoir traditionnel essentiel sous la forme la plus opportune pour notre époque ainsi que la méthode spirituelle longtemps restée inaccessible, la rendant ainsi accessible tout en conservant son efficacité intérieure.
Ceci est bien la preuve que ceux qui étudient sans cesse les subtilités des sciences spirituelles sans être à l’état de perfection que nous venons de décrire, n’émergent d’un problème que pour tomber dans un autre. Voilà ce dont le Maitre Rénovateur a su nous préserver tout en nous donnant la pleine mesure spirituelle du Noble Coran.
Dans toute son entreprise il représentait l’orthodoxie la plus stricte.
Conclusion
Ses ouvrages ont été imprimés à de nombreuses reprises et en plusieurs langues : en français, en anglais, en turc, etc. Sa méthode pleine de vitalité a produit des Hommes de grande valeur et de premier plan qui sont la preuve vivante de son efficacité à avoir mené les itinérants sur la voie jusqu’au terme suprême.
« Je recommande de se maîtriser ; de cheminer vers Dieu et de combattre pour la cause de Dieu avec force mais sans violence, avec douceur mais sans faiblesse. »
« Je recommande de se maîtriser ; de cheminer vers Dieu et de combattre dans un monde chargé de toutes sortes d’épreuves divines, épreuves auxquelles est soumise la Oumma, individus et groupes, pour que Dieu fasse avérer la vérité comme Il le veut et donne victoire à qui Il veut comme Il le veut et quand Il le veut. Devant Son destin nous faisons preuve de patience, comme nous l’a recommandé Sidi Abdelkader El Jilani. » Conseils de l’Imam Rénovateur A. YASSINE