La mort : rappel, réconciliation, alliance
Souvent lorsque l’on a, à vue d’œil, sa propre mort (tumeur inconnue, réaction immunitaire violente, le cœur qui lâche…) certaines réactions se déclenchent dans son for intérieur.
Les insoucieux qui ont toujours été dans l’oubli, semblent y rester et s’accrochent au moment présent et au « fait avéré » qu’ils sont toujours en vie. D’autant plus que dans la culture ambiante on ne manque pas de vendre des diversions sur ce que l’on appelle l’« au-delà », un terme vague et fourre-tout déconcertant et anesthésiant.
Pour ceux qui ont une information sur la Vie dernière, cette prise de conscience actualise subitement une sentence qui, jusque là, restait suspendue. La première réaction est une réaction de frustration, d’irritation. Tout à coup une série de comptes et d’évaluations déconcertantes s’enchaine.
Cela m’interpelle.
D’abord, ce n’est pas un comportement répréhensible. Dans le hadith[1] qodsi Dieu informe qu’Il « hésite » à prendre l’âme du fidèle car celui-ci déteste la mort et Dieu déteste le contrarier. Mais je me dis : « Est-ce le cas des élus de Dieu dont le vœu ultime est d’aller à la rencontre de Dieu ? »
A chaque rappel profond de ma propre mort une profonde tristesse m’envahit, un sentiment d’impuissance, de deuil, d’insignifiance. Toutes les envies se gèlent et les espoirs s’épuisent, les perspectives s’essoufflent à même le sol. C’est peut être cela qui est si irritant pour mon ego qui puise ses illusions dans mon oubli. Il est frustré de constater pendant un moment que ses aspirations sont vaines, qu’il loupe l’essentiel, qu’il brasse du vide. A la question es-tu prêt à partir, la réponse est non. Mais quand seras tu prêt ?
« Cet état de nullité n’est-il pas celui qu’un fidèle devrait avoir face à Dieu ? » me dis-je. Se rappeler la mort, comme le recommande tant notre Prophète bien aimé, n’aurait-il pas pour but de retrouver sa propre vérité ? Se peser ? Peser la véracité de ses prétentions relatives à Dieu et à la Vie dernière ?
Rien ne vaut sur un tel seuil de questionnement personnel et de vérité propre quelques réaffirmations de son attestation de foi “Nulle divinité à part Dieu”, d’humbles invocations déposées en main propre auprès de Dieu Exalté, celui qui nous rétribuera le jour J. « Fais-toi connaître de Lui avant ce jour » me dis-je, car heureux celui qu’Il reconnaitra et abritera. Malheur à celui qu’Il oubliera.
A force, ayant vu le bienfait de ces moments de tristesse salutaire je me rends compte de la miséricorde qu’ils portent. L’irritation laisse une place à la réconciliation. Ces moments de rappel sont des moments de proximité de Dieu car j’y suis réduit à l’impuissance, source de richesse spirituelle et de soutien du Très-Haut. Une proximité tant attendue et recherchée. Elle était juste là écrite sur un recueil de hadiths, faisant l’objet d’une recommandation prophétique mais il manquait l’alchimie pour la transformer en expérience. Il manquait le déclic qui permet de s’en apercevoir. Se réconcilier avec la mort comme on se réconcilie avec le bruit assourdissant d’un réveil tous les matins. On sait malgré tout que cela nous fera du bien.
La mort peut devenir à force un instrument de mesure, un critère de validation et d’appréciation de ce que l’on est et ce que l’on fait… un discernement, un repère, une boussole. Je ne parle pas des gestes à propos desquels à la jurisprudence fait foi, mais bien des intentions profondes et motivations intimes qui font la valeur de nos actes.
Elle peut devenir une source de motivation, un parachèvement, un accomplissement qu’on construit toute notre vie.
[1] Hadith qodsi (attribué à Dieu le Très-Haut par le Prophète paix et salut sur lui) rapporté par al Boukhari dans son Sahih selon Abu Houraïra
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Masha allah vos cours sont très profonds de sens et nous amène à appréhender la mort jaime bcp les cours de votre site car tres riches de sens et explicites