La Justice en Quête de Vérité : Entre Désillusion et Espoir

Les grands mots sont faits pour les grandes occasions, et à force de les utiliser, on finit par les vider de leur substance.
L’un de ces dévoiements consiste à associer ces grandes valeurs avec des institutions politiques : Ministères de la Justice, Cour Internationale de Justice, Cour Européenne des Droits de l’Homme… participant ainsi à leur dénaturation et leur perte de sens.
La Justice est avant tout une aspiration inhérente à la nature humaine, elle fait partie de notre matrice, et aucun homme ne naît en considérant comme naturel le fait d’en être victime ou auteur. Pour autant les structures politiques qui occupent depuis près d’un siècle la scène internationale sont-elles dignes des valeurs dont elles se prévalent ?
A cette interrogation légitime, l’histoire récente et l’actualité nous apportent une réponse claire : non seulement elles en sont indignes, mais ces institutions participent au maintien d’un système de domination dans lequel seule la volonté du plus fort compte. Et s’il subsistait un mince espoir après le Rwanda et la Bosnie, le génocide à Gaza a fini de réduire à néant la promesse de Justice portée par un simulacre de Droit International.
Finalement, il est apparu aux yeux de tous que la notion de justice dans son acception contemporaine et internationale n’est qu’une expression brutale de la volonté des puissants.
Face à cette désillusion, il est naturel de réinterroger ses attentes et d’avoir une réflexion profonde sur la nature de l’Homme, sa mission et son rapport à la Justice. Si chaque organe à un rôle dans le fonctionnement du corps, pourquoi n’en serait-il pas de même de nos inclinaisons émotionnelles ?
Après tout, pourquoi détester l’injustice si nous ne pouvons la changer ? Ressentir de l’indignation pour une situation sur laquelle nous n’avons aucun contrôle, ne serait-ce pas là une injustice ? Sommes-nous condamnés à vivre avec le poids de cette culpabilité sans moyens de soulager notre conscience ?
A ces questions la foi musulmane nous apporte des réponses rassurantes par le biais de la révélation. Ainsi le croyant espère en la Justice Divine la plus sublime, reconnaissant les spécificités de chacun et établissant une nomenclature parfaite des crimes, des circonstances, des motivations et des contextes, qu’aucun système judiciaire humain ne saurait reproduire.
« Dieu n’est-il pas le plus Sage des Juges ? »[1], « Au Jour de la Résurrection, Nous placerons les balances exactes. Nulle âme ne sera lésée en rien, fût-ce du poids d’un grain de moutarde que Nous ferons venir. »[2], « Certes, Dieu ne lèse (personne), fût-ce du poids d’un atome. » [3] …
Par ailleurs, cette promesse d’une Justice Divine parfaite est accompagnée d’une injonction à destination des Hommes mus par une haute aspiration : « Certes, Dieu commande l’équité, la bienfaisance… » [4], « Certes, Dieu vous commande de rendre les dépôts à leurs ayants-droit, et quand vous jugez entre des gens, de juger avec équité. » [5], « Ô les croyants ! Soyez stricts (dans vos devoirs) envers Dieu et (soyez) des témoins équitables. Et que la haine pour un peuple ne vous incite pas à être injustes. Pratiquez l’équité : cela est plus proche de la piété. »[6] et les exemples ne manquent pas dans le Coran à ce sujet.
Ainsi le noble Prophète Muhammad, paix et salut sur lui, nous exhorte « Celui d’entre vous qui voit un mal qu’il le change par sa main. S’il ne peut pas alors par sa langue et s’il ne peut pas alors avec son coeur et ceci est le niveau le plus faible de la foi » [7]. Ici le Prophète, paix et salut sur lui, nous donne une méthodologie à suivre lorsque confrontés à l’injustice à travers la gradation suivante : la première solution est l’intervention physique, « la main », viens ensuite la protestation verbale, « la langue », mais il arrive bien souvent que ni l’un ni l’autre ne soient possibles. Les protestations physiques violemment réprimées et les voix qui se lèvent étouffées. Ne reste alors que le cœur pour exprimer l’indignation, et ceci est le minimum que le croyant puisse faire, la lutte contre l’injustice deviens alors un engagement moral et une responsabilité individuelle.
Finalement, l’Islam nous enseigne l’équilibre et nous éduque à cultiver un rapport sain entre l’espoir en la Justice Divine et la volonté de l’implémenter ici-bas. En sachant que les tribunaux des Hommes sont imparfaits, parfois injustes. Incapables de juger les vrais criminels, condamnant parfois des innocents. L’injustice deviens alors un test pour l’Homme et si la Justice Parfaite ne saurait être obtenue ici-bas, il est attendu que chacun s’y attelle, et les plus hautes finalités appartiennent à Dieu.
Article gagnant du concours d’écriture, à l’occasion des 20 ans de psm-enligne.org, autour du thème : Justice et droits humains.
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Justice et Droits Humains : Entre Valeurs Universelles et Contradictions du Monde
[1] Sourate le Figuier : 95-8 [2] Sourate les Prophètes : 21-47 [3] Sourate les Femmes : 4-40 [4] Sourate les Abeilles : 16-90 [5] Sourate les Femmes : 4-58 [6] Sourate la Table Servie : 5-8 [7] Rapporté par Mouslim