Conseils pour améliorer sa pratique spirituelle : approche par niveaux
La vie est un sentier montagneux à gravir, avec ses obstacles, ses facilités, ses charges, ses pauses, un groupe, un guide, un objectif. Or, le gravissement d’une montagne telle que l’Everest demande de la préparation physique, un équipement.
Tous les ans, plusieurs personnes meurent dans la tentative de gravir l’Everest. Ce n’est pas parce qu’elles manquaient de motivation ou de persévérance… mais de préparation.
Il est en effet essentiel d’avoir certains prérequis avant une telle ascension : il faut bien-sûr être entraîné, donc avoir déjà gravi d’autres montagnes auparavant. De plus, un guide expérimenté est essentiel pour ne pas se perdre et éviter les pièges de la montagne. Un bon guide n’est pas un guide qui se contente de rappeler à longueur de journée que c’est important d’atteindre l’objectif, qu’il faut faire ceci ou cela… c’est avant tout une personne qui met tout en œuvre pour t’aider à franchir les obstacles, qui t’aide au quotidien dans tes difficultés, qui t’enseigne les moyens de pallier les difficultés du chemin. Connaître son objectif est essentiel, mais ce n’est pas suffisant, il faut aussi avoir une méthode qui permette de franchir les obstacles les uns après les autres de manière intelligente, et qui prépare aux obstacles plus imposants qui s’annoncent.
Cet article présente quelques pistes méthodologiques dont le but est d’aider à entamer cette ascension qu’est la mise en place du programme du jour et de la nuit du croyant.
Comme dit le proverbe, Rome ne s’est pas faite en un jour.
Méthodologie des niveaux
Islam, Iman, Ihsan
Nous connaissons tous la notion de niveaux en islam. Cette notion est présente dans le hadith de Djibril (paix sur lui) qui présente les trois niveaux de l’islam : Islam, Iman, Ihsan.
Le premier niveau, celui de l’Islam, consiste à pratiquer les cinq piliers qui le définissent : l’attestation de foi, les cinq prières quotidiennes, la zakat, le jeûne du mois de Ramadan et le pèlerinage à La Mecque.
Foncer sur les sommets
Le hadith de Djibril montre que le respect des cinq piliers est essentiel, mais ne constitue pas la perfection pour le croyant. Un musulman qui se contente de pratiquer ces cinq piliers n’a pas complété sa foi, et doit chercher à faire plus.
Pourtant, il existe un hadith mentionnant un homme venu voir le prophète (paix et salut sur lui) et qui s’est engagé à pratiquer les 5 piliers, ni plus, ni moins. Le prophète (paix et salut sur lui) a approuvé cela, ce qui ne manqua pas d’étonner les compagnons, auxquels le prophète demandait bien plus.
La raison est simple : l’homme venu voir le prophète (paix et salut sur lui) était un bédouin nouvellement converti à l’islam, dont le niveau d’éducation et les conditions de vie ne lui permettaient pas d’aller plus loin. Autrement dit, il n’avait pas les préparatifs nécessaires afin de « foncer sur les sommets » (d’après la formule du professeur Abdessalam Yassine, que Dieu l’ait en Sa miséricorde) comme le faisaient les compagnons. Si le prophète (paix et salut sur lui) lui avait demandé de faire plus que ce qu’il était capable de faire, cela l’aurait probablement repoussé de l’islam.
La situation des compagnons était bien-entendu différente, eux qui avaient passé de multiples épreuves et plusieurs années en compagnie du meilleur des hommes, en guise de préparation !
En résumé, il est clair que se contenter des 5 piliers n’est pas l’idéal à suivre. Il ne faut pas tomber dans le piège de penser qu’on peut s’en contenter. Mais c’est un niveau acceptable pour toute personne qui ne se trouverait pas dans les conditions lui permettant d’aller plus loin.
Acquérir les conditions prérequises
Bien évidemment, nous pouvons et nous devons nous efforcer d’agir pour changer nos conditions afin d’être mieux préparés, mais il ne faut pas oublier que rien ne dépend vraiment de nous : c’est avant tout la volonté divine qui est à l’œuvre. Nous avons le devoir de mettre en place les causes. Comme on peut le lire sur la tombe d’Ambroise Paré, chirurgien français de la Renaissance : “Je le soignais, Dieu le guérit”.
Enfin, agir sur les causes puis améliorer sa pratique en conséquence est un processus cyclique, qui doit se répéter en continu pour un cheminement long. Il faut s’armer de patience. Par exemple, parvenir à accomplir des actes difficiles tels que la prière de la nuit peut prendre plusieurs années. Il faut foncer sur les sommets, oui, mais précipitation n’est pas vitesse. Le gravissement d’une montagne n’est pas une course de vitesse, mais une course d’endurance.
Conseils concrets pour le jour et la nuit du croyant
Chaque situation est particulière, il convient à chacun de définir sa stratégie en fonction de celle-ci, mais certains conseils généraux peuvent être donnés afin de faciliter, petit à petit, la pratique du jour et de la nuit du croyant.
Dhikr et lecture du coran
Je conseille de commencer par étaler ce programme sur plusieurs jours. Par exemple, on peut commencer par se fixer l’objectif de réaliser sur une semaine le programme prévu pour un jour.
On peut par exemple commencer par se fixer 500 fois l’attestation d’unicité de Dieu, afin d’avoir totalisé 3000 au bout de 6 jours, soit presque une semaine. On peut aussi viser de compléter le coran en environ un an au lieu d’un mois, en lisant un quart de hizb par jour, au lieu d’un jouz’.
Au fil des ans, il convient d’accélérer la cadence en se fixant des objectifs de plus en plus ambitieux. Le mois de Ramadan est une bonne occasion pour faire un point sur le niveau de pratique atteint, et évaluer ce qui peut être amélioré.
Apprentissage et révision du coran
Je vous conseille de vous mettre en relation avec un institut d’apprentissage du coran, qui vous permettra de mettre en place un programme adapté à vos capacités et vos objectifs, tout en assurant le suivi nécessaire.
Invocations
De nombreuses invocations sont recommandées : prière de consultation (istikhara), du besoin, du lien, invocations de protection…
Réaliser tout ce programme en une journée peut sembler très lourd au début du cheminement. Afin de commencer progressivement, mon conseil est d’établir une « version courte » pour chacune de ces invocations, et de réciter ces versions courtes chaque jour. Faire ces invocations quotidiennement est effectivement très important, notamment en ce qui concerne les invocations de protection.
De Ramadan en Ramadan, on pourra se rapprocher progressivement de la version complète pour chaque invocation.
Prière de la nuit
Il faut tout d’abord comprendre que se lever tôt ne veut pas forcément dire dormir moins (du moins, pas forcément 4h par nuit) : on peut faire cela et dormir 6h à 7h, à condition de se coucher tôt. Avant de vous lancer dans le projet de prier dans le dernier tiers de la nuit, mettez en place l’habitude de vous coucher tôt (du moins, pas trop tard), cela nécessite d’avoir une bonne hygiène de vie et notamment de faire attention à ce que vous mangez, notamment le soir, car cela influe sur la qualité du sommeil.
Ensuite, entraînez-vous à vous lever tôt tous les matins sans forcément commencer par prier : dès le réveil, commencez par une activité plaisante qui vous aidera à sortir du lit progressivement. Vous pouvez aussi mettre une musique plaisante, si possible énergique. Le but n’est pas forcément de conserver cette habitude pour toujours, mais cela peut vous aider à prendre l’habitude de vous lever tôt. Continuez autant de temps que vous le jugez nécessaire.
Afin de faciliter l’acquisition de l’habitude, commencez par vous fixer l’objectif de la prière du dernier tiers de la nuit en hiver. En été visez plutôt l’assise de chourouk.
Commencez aussi par des prières courtes et peu nombreuses, puis augmentez la quantité lorsque vous êtes plus à l’aise avec cette pratique.
Conclusion
A travers cet article, j’ai tenté de mettre en évidence l’importance pour le croyant de viser l’excellence dans la pratique religieuse afin de compléter sa foi. J’ai proposé quelques clés et des conseils pratiques afin de parvenir à cette excellence de manière progressive, respectueuse de la nécessité de ne pas brûler les étapes.
En espérant que ces conseils vous soient profitables, je vous souhaite un bon cheminement et un bon Ramadan !