La révélation : une voie de salut pour l’Homme
Les carcans de l’esclavage moderne
L’Homme d’aujourd’hui est submergé par un déluge d’informations qui ne lui laissent guère le temps de choisir librement la voie qui lui garantit l’harmonie à la fois avec sa nature terrestre et son origine spirituelle.
L’Homme de l’hémisphère nord est leurré par une promesse mensongère de bonheur grâce à un confort matériel et des loisirs sans limite, qui finissent par le piéger dans un égocentrisme qui tue, par petites doses, son humanisme et sa conscience vis-à-vis des autres besogneux. En général, cette personne finit par adopter une démarche identique à celle d’un enfant qui ne pense qu’à pérenniser le temps du jeu et de l’amusement. C’est la peur de ne pas jouer ou s’amuser qui le conditionne et le pousse à se soumettre ou non aux injonctions de ceux qui détiennent le pouvoir sur ses jouets. On parle alors du syndrome de l’enfant éternel qui voit la vie à travers le prisme du jeu et de l’amusement même avec les choses les plus sérieuses de la vie. La surconsommation est la preuve évidente de ce syndrome. On peut changer de voiture, de portable ou de partenaire comme on change un jouet quand on s’ennuie. La morale, l’engagement et la responsabilité sont des ennemis à ignorer car ils nous rappellent le sérieux de la vie et de la mort. Ce constat a été souligné par plusieurs philosophes et chercheurs de notre époque comme Alain Badiou[1] et Pierre-Henri Tavoillot. Le premier décrit l’humain moderne comme un être centré sur la jouissance immédiate des sensations et des désirs sans frein et qui l’ont conduit à une forme d’adolescence infinie surtout pour les garçons. Quant à Pierre-Henri Tavoillot, il utilise l’expression de l’exténuation de l’adulte pour décrire notre vision de l’âge adulte à notre époque : « on comprend que la figure de l’adulte se trouve déconsidérée. En effet, dans une logique hyperbolique de la perfectibilité, grandir, c’est vieillir et vieillir, c’est mourir un peu… »[2].
Dans l’hémisphère sud, ce sont les carcans de la misère du sous-développement et de l’extrême besoin qui tiennent l’humain dans la prison de la dépendance économique, politique et matérielle aux grandes puissances.
Comme disait l’Imam Abdessalam Yassine dans son ouvrage « Islamiser la Modernité », l’être humain du nord souffre de la misère morale et spirituelle et l’autre du sud souffre de la misère matérielle. Dans les deux cas, le résultat est sans équivoque, un monde instable et un être humain dispersé par sa peur de l’avenir, inconscient du seul et grand souci à savoir son devenir auprès de Dieu !
Pour libérer l’être humain de cette peur qui ravage son corps et son âme, il faut d’abord mettre la lumière sur les causes amorçant cette situation maladive.
La nature de la vie ici-bas
Nous avons mentionné dans le premier article[3] que l’être humain arrive dans cette vie, doté de plusieurs outils qui vont lui permettre d’accomplir sa mission sur terre. Cette mission consiste à acquérir le Savoir utile qui, une fois traduit en bonnes actions, mène à la connaissance de Dieu.
Cependant, pour accomplir cette mission, l’être humain doit surmonter des obstacles et des tentations qui viennent le dérouter de sa voie initiale.
Dieu dit dans Sourate le Fer (Al-Hadid), verset 20 : « Sachez que la vie présente n’est que jeu, amusement, vaine parure, une course à l’orgueil entre vous et une rivalité dans l’acquisition des richesses et des enfants. Elle est en cela pareille à une pluie : la végétation qui en vient émerveille les cultivateurs, puis elle se fane et tu la vois donc jaunie ; ensuite elle devient des débris. Et dans La Vie dernière, il y a un dur châtiment, et aussi pardon et agrément de Dieu. Et la vie présente n’est que jouissance trompeuse. »[4]
Et puis dans sourate Famille d’Imran (Al-Imrane), verset 14 Dieu dit : « On a enjolivé aux gens l’amour des choses qu’ils désirent : femmes, enfants, trésors thésaurisés d’or et d’argent, chevaux marqués, bétail et champs ; tout cela est l’objet de jouissance pour la vie présente, alors que c’est près de Dieu qu’il y a bon retour. »[5]
C’est un appel miséricordieux du Tout Miséricordieux à adopter une vigilance accrue pour se protéger contre les cinq pièges qui peuvent renfermer l’être humain dans le bonheur illusoire de l’immédiateté.
L’amour et l’attirance vers ces composantes de la vie sont profondément ancrés chez l’être humain et c’est une volonté divine pour permettre à l’homme de peupler la terre par son travail et l’exploitation des richesses terrestres à bon escient dans un cadre équitable et juste, et par la perpétuation de la progéniture grâce à l’attirance naturelle entre un homme et une femme dans le cadre du mariage.
Le verset de sourate Famille d’Imran, nous dévoile une partie de la nature de l’Homme et le premier verset nous dévoile la nature de cette vie ici-bas. Si on médite un peu ces versets, on se rend compte que le verset nous expose en même temps les étapes auxquelles l’être humain doit faire face durant sa traversée de cette vie. L’enfance est une étape d’attirance vers le jeu, la jeunesse se caractérise par l’attirance vers l’amusement et petit à petit, on bascule vers l’affirmation de soi par sa place dans son milieu social, par ses exploits, son statut, ses diplômes, sa fortune, sa famille et par toute autre distinction que la société valorise. Si l’être humain n’acquiert pas la conscience que cette vie n’est qu’une étape de traversée vers la Vraie Vie éternelle et dernière et au contraire s’accroche à l’éphémère, il succombe aux pièges de l’excès du jeu, l’attachement à l’insignifiant, l’adoration de la reconnaissance sociale à la place de Dieu, le traitement injuste des autres afin de les dominer et l’accroissement des biens et des descendants[6] pour ne pas être dominé. Ce sont là des causes profondes des malheurs qui s’abattent sur l’humanité en ces temps modernes.
Que faire pour sortir de cette situation ?
Nous avons fait allusion à la situation d’instabilité que vit l’être humain actuellement à cause de sa peur et son inquiétude quant à un avenir incertain et qui s’annonce sombre pour lui. Dieu Exalté soit-Il, Le Créateur de cet être humain, nous détaille à la fois l’état profond de l’Homme dans des situations similaires à la peur et à la terreur et nous indique les moyens de la délivrance.
Dieu dit dans sourate Houd, verset 74 : « Lorsque l’effroi eut quitté Abraham et que la bonne nouvelle l’eut atteint, voilà qu’il discuta avec Nous (en faveur) du peuple de Lot. »[7]
Imaginons ensemble cette scène : un être humain recevant la visite d’un groupe de gens étrangers et qui s’imposent à une famille sans protection, composée d’un homme et une femme, et refusent même leur hospitalité. Imaginons la peur et la terreur qui vont se faufiler au cœur de cette personne qui fait face à une situation incertaine où le risque d’être malmenée par ce groupe est grand.
A sa surprise, ces visiteurs redoutés, lui annoncent qu’ils sont des envoyés de Dieu venus lui apporter le Salut et la Bonne annonce qu’il est l’ami Intime de Dieu qui ne sera jamais abandonné, et dans l’avenir, il va avoir des jours meilleurs pour sa famille et un grand présent divin les attend : la naissance d’un enfant tant attendu. Cet homme vient de recevoir la bonne nouvelle de Dieu ! imaginons maintenant sa joie incommensurable qui s’est substituée à sa peur ! il est délivré et comme suite logique, cherche à libérer un autre peuple d’une fin sombre et terrible. Cette scène s’est déroulée entre le prophète ami intime de Dieu et des anges envoyés par Dieu lui annoncer la bonne nouvelle.
Pour délivrer l’être humain de sa peur, il faut lui transmettre la bonne nouvelle de Dieu, révélée dans Sa parole et qui tarde à lui parvenir.
Où est donc ce groupe de personnes angéliques porteuses de miséricorde et de La bonne nouvelle à l’Homme inquiet ?!!!
Dans les versets qui suivent de sourate Al-Maarij (Les voies d’ascension), Dieu nous détaille l’état intérieur de l’être humain coupé de Dieu, à l’arrivée des moments difficiles et d’aisance, et justement comme le nom de la sourate l’indique, Dieu nous met sur le premier pas libérateur de la peur et de l’égoïsme : « Oui, l’homme a été créé instable [très inquiet] ; quand le malheur le touche, il est abattu ; et quand le bonheur le touche, il est grand avare de partager. Sauf ceux qui prient et qui sont assidus à leurs prières, … »[8]
L’être humain quand il accepte la bonne nouvelle de Dieu qui lui annonce le bonheur éternel auprès de Lui, quand il accepte que les épreuves par lesquelles il passe dans cette vie ici-bas éphémère ne sont que des outils pour lui permettre d’accéder aux plus hauts degrés auprès de Son Seigneur, il retrousse ses manches et met sa confiance en Qui ne déçoit jamais.
C’est ainsi que la prière devient primordiale dans la vie de cet Homme lié à Dieu par le pacte de la foi, et il ne rate aucune occasion pour demander refuge auprès de Dieu et Lui demander Son secours.
Dans la biographie de notre messager Paix et bénédiction de Dieu sur lui, nous avons l’illustration vivante de ce pacte de la prière : « Abou Houdaifa ibn Yaman rapporte qu’à chaque fois que le Messager de Dieu passe par des moments difficiles et des épreuves, il accourt à la prière » rapporté par l’Imam Ahmed[9].
Conclusion
Dans la suite des versets de sourate les voies de l’ascension, Dieu dénombre une série d’actions qui permettent de libérer l’Homme des carcans de l’esclavage ; nous vous laissons chers lecteurs revenir à cette belle sourate pour recevoir la bonne nouvelle que ce chapitre du Coran nous apporte et pour traduire ces recommandations dans le quotidien de chacun de nous.
Cependant, et comme une dernière méditation sur l’ensemble des versets de cette sourate et le verset de sourate Houd, nous nous apercevons de la puissance et la capacité énergisante d’être en bonne compagnie. C’est le groupe qui a transmis la miséricorde et la bonne nouvelle de Dieu au prophète Abraham, et la série d’actions libératrices citées dans la sourate « les voies de l’ascension » sont pratiquées en groupe.
Donc à travers ces versets, Dieu recommande à l’être humain d’appartenir cordialement au groupe dont les membres s’enjoignent la miséricorde et la patience entre eux pour cheminer ensemble et propager la bonne nouvelle libératrice de Dieu à ceux qui sont encore emprisonnés et en attente de délivrance.
La foi, la certitude, la sérénité et l’intimité apaisante de Dieu ne se transmettent jamais par des livres ou par des techniques humaines de développement ou de coaching, mais par la compagnie des cœurs vivants et sincères qui frémissent à l’évocation de Dieu.
Lire aussi :
La Révélation, la seule Voie pour connaître l’Homme
[1]Alain Badiou, la vraie vie” aux éditions Fayard, 2016.
[2] http://www.constructif.fr/bibliotheque/2008-6/inventer-de-nouveaux-rites-de-passage.html?item_id=2858
[3] Voir article : https://www.psm-enligne.org/spiritualite/articles-spiritualite/12314-revelation-pour-connaitre-homme
[4] « اعْلَمُوا أَنَّمَا الْحَيَاةُ الدُّنْيَا لَعِبٌ وَلَهْوٌ وَزِينَةٌ وَتَفَاخُرٌ بَيْنَكُمْ وَتَكَاثُرٌ فِي الْأَمْوَالِ وَالْأَوْلَادِ كَمَثَلِ غَيْثٍ أَعْجَبَ الْكُفَّارَ نَبَاتُهُ ثُمَّ يَهِيجُ فَتَرَاهُ مُصْفَرًّا ثُمَّ يَكُونُ حُطَامًا وَفِي الْآخِرَةِ عَذَابٌ شَدِيدٌ وَمَغْفِرَةٌ مِّنَ اللَّهِ وَرِضْوَانٌ وَمَا الْحَيَاةُ الدُّنْيَا إِلَّا مَتَاعُ الْغُرُورِ
[5] زُيِّنَ لِلنَّاسِ حُبُّ الشَّهَوَاتِ مِنَ النِّسَاءِ وَالْبَنِينَ وَالْقَنَاطِيرِ الْمُقَنطَرَةِ مِنَ الذَّهَبِ وَالْفِضَّةِ وَالْخَيْلِ الْمُسَوَّمَةِ وَالْأَنْعَامِ وَالْحَرْثِ ذَلِكَ مَتَاعُ الْحَيَاةِ الدُّنْيَا وَاللَّهُ عِندَهُ حُسْنُ الْمَآبِ
[6] Avoir un grand nombre d’enfants, permettait à l’époque d’avoir une protection assurée contre la domination des antres tribus ou grandes familles
[7] فَلَمَّا ذَهَبَ عَنْ إِبْرَاهِيمَ الرَّوْعُ وَجَاءَتْهُ الْبُشْرَى يُجَادِلُنَا فِي قَوْمِ لُوطٍ
[8] 22 إِلَّا الْمُصَلِّينَ 21 وَإِذَا مَسَّهُ الْخَيْرُ مَنُوعًا 20 إِذَا مَسَّهُ الشَّرُّ جَزُوعًا 19 إِنَّ الْإِنسَانَ خُلِقَ هَلُوعًا»
الَّذِينَ هُمْ عَلَى صَلَاتِهِمْ دَائِمُونَ 23
[9] قَالَ حُذَيْفَةُ: «كَانَ رَسُولُ اللَّهِ صَلَّى اللهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ إِذَا حَزَبَهُ أَمْرٌ صَلَّى». (رواه أحمد)