La douceur, une vertu aimée de Dieu
D’après Aïcha, que Dieu soit satisfait d’elle, le Prophète, paix et salut sur lui, a dit : « Dieu aime la douceur en toute chose » (1)
Avant de parler de l’importance de la douceur dans notre cheminement, de sa valeur utilitaire, arrêtons-nous sur ce hadith qui mérite toute notre attention.
Dieu aime la douceur
Que nous enseigne ce hadith ? Que « Dieu aime la douceur ». Ce hadith est extraordinaire car le Prophète, paix et salut sur lui, nous fait part de ce que Dieu aime, et ceci est une grande confidence !
Avons-nous le souci de ce que Dieu aime ? Est-ce que cela nous intéresse ? Le fidèle en quête du bel-agir, d’intimité et de proximité à Dieu, lorsqu’il découvre ce hadith, est interpellé et curieux de savoir ce qu’est cette douceur, cette vertu aimée de Dieu ; il va ainsi la rechercher, se l’approprier, l’aimer, parce que Dieu y accorde de l’importance. Ainsi, ce qui valorise la douceur, ce n’est pas son utilité, son importance, mais bien sa valeur auprès de Dieu.
La douceur appartient donc au registre de l’ihsane (le bel agir) (2). Le fidèle qui cherchera à plaire à Dieu recherchera toutes les choses que Dieu aime, il ne se contentera pas juste d’accomplir les obligations, d’éviter les interdits, de réaliser les adorations surérogatoires… A titre d’exemple, on rapporte que le Prophète, paix et salut sur lui, a dit : « Certes il y a parmi les serviteurs de Dieu des serviteurs qui ne sont pas des prophètes ; les prophètes et les martyrs les envient ». Un compagnon demanda :« Ô Messager, décris-les nous, peut être les aimerions-nous ». Le Prophète dit : « Ce sont des gens qui se sont aimés par la lumière de Dieu sans qu’il n’y ait entre eux de liens de parenté ou de généalogie, leurs visages seront de lumière, ils seront sur des chaires de lumière, ils n’auront pas peur lorsque les gens auront peur et ils ne seront pas tristes lorsque les gens seront tristes ». Puis il récita le verset : « Certes les bien-aimés de Dieu sont à l’abri de toute peur et ne sont pas attristés » »(3)
Quelle a été l’attitude des compagnons à l’écoute de cette annonce ? Ils cherchaient à connaître qui étaient ces serviteurs parce qu’ils avaient un grade auprès de Dieu. Leur objectif n’était pas de savoir comment ils ont fait pour atteindre ce degré, mais de les aimer avant tout, parce que Dieu a montré un intérêt, une générosité envers ces personnes. De même, nous avons connaissance que Dieu aime la douceur, à l’instar de nos pieux prédécesseurs, nous rechercherons quelle est cette qualité appréciée de Dieu, afin de l’aimer et de nous en imprégner.
Qu’est-ce que la douceur ?
On traduit souvent la douceur par ar-rifq. A travers la biographie du Prophète, paix et salut sur lui, et les versets du Coran, on constate qu’ar-rifq est une attitude, un caractère qui regroupe plusieurs qualités qui consistent à être doux dans ses paroles, ses actes et à agir avec simplicité, sans violence et sans sévérité. D’innombrables hadiths et versets du Coran illustrent cette douceur. En voici quelques-uns :
On rapporte qu’un bédouin est venu demander quelque chose au Prophète, paix et salut sur lui, qui a répondu à sa requête et lui dit : « ai-je été bon avec toi ? ». Le bédouin répondit : « Non et tu n’as pas été bienveillant » Les compagnons, qui étaient auprès du Prophète, se fâchèrent et se levèrent pour le réprimander. Mais le Prophète leur fit signe de ne pas bouger ; il retourna chez lui, envoya chercher le bédouin et lui donna des choses supplémentaires. Et il lui dit à nouveau : « Ai-je été bon avec toi ? » Le bédouin dit alors : « Oui, que Dieu t’accorde à toi, à ta famille, et à ton peuple du bien en récompense… » Le Prophète, paix et salut sur lui, dit alors à ses compagnons : « Moi et cet homme nous ressemblons au cas d’un homme dont la chamelle a pris la fuite ; les gens se sont unis pour la rattraper et ils n’ont fait que rendre cette chamelle plus farouche. C’est alors que le propriétaire de la chamelle s’adressa à eux en disant : laissez-moi ainsi que ma chamelle car je suis plus doux envers elle que vous et je la connais mieux que vous ; puis il alla vers sa chamelle, prit un peu d’herbes de la terre qu’il lui a tendu et réussit à la ramener… ». Le Prophète, paix et salut sur lui, ajouta : « Si je vous avais laissé faire quand cet homme dit ce qu’il a dit, vous l’auriez tué et il serait rentré en enfer » (4)
Selon Abou Hourayra, que Dieu l’agrée, un bédouin est venu uriner dans la mosquée du Prophète, paix et salut sur lui, les gens se sont alors précipités vers lui avec l’intention de le punir ; mais le Prophète leur dit : « Laissez-le et versez là où il a uriné un sceau d’eau. Vous avez certes été envoyés pour faciliter les choses et non pour les rendre difficiles » (5)
Dieu dit à Son serviteur Mohammad, paix et salut sur lui : « C’est par quelque miséricorde de la part de Dieu que tu as été si doux envers eux ! Mais si tu étais rude, au cœur dur, ils se seraient enfuis de ton entourage. Pardonne-leur donc, et implore pour eux le pardon ». (7)
Et Il dit aussi à Ses serviteurs Moïse et Aaron, paix et salut sur eux : « Allez vers Pharaon : il s’est vraiment rebellé. Puis, parlez-lui avec douceur. Peut-être se rappellera-t-il ou Me craindra-t-il ? » (8)
A travers les hadiths et versets cités ci-dessus, on constate que la douceur est une vertu essentielle non seulement pour appeler les gens à Dieu, mais aussi une voie parmi d’autres pour communiquer avec les créatures de Dieu, et cela en faisant preuve de patience, de clémence, de bienveillance, en facilitant et en pardonnant …
Si on observe l’exemple du Prophète, paix et salut sur lui, on remarquera aussi qu’il a fait preuve de douceur dans des situations difficiles. Ainsi, l’intention n’est pas d’être doux seulement quand tout va bien, mais d’être doux surtout quand c’est difficile. Toutes les situations précitées relatent des situations difficiles auxquelles le Prophète, paix et salut sur lui, était exposé : les épreuves et les difficultés étaient son quotidien, et malgré cela, il n’a pas cédé à la violence, ni à la haine, ni à la colère…. Il a gardé toutes ses qualités morales, sa grandeur d’âme et on doit prendre exemple sur lui car il est notre modèle.
Les manifestations de la douceur
Avant de mourir, lorsqu’il fut demandé au Prophète, paix et salut sur lui, de choisir entre la vie ici-bas et la vie dernière, il murmura ces dernières paroles : « bal ar-rafiq al a’la » (plutôt le compagnon céleste).
Ar-rafiq (le doux), qui appartient à la même racine qu’ar-rifq est aussi traduit par « compagnon ». Si on devait apporter une définition globale d’ar-rifq , ce serait accompagner avec douceur. Ar-rifq c’est ce compagnon, ce bijou précieux, cet ornement qui nous embellit lorsqu’il est présent. C’est le sens que l’on retrouve dans ces paroles du Prophète, paix et salut sur lui : « La douceur ne s’associe pas à une chose sans qu’elle ne l’embellisse et ne se retire pas d’une chose sans que cela ne l’enlaidisse ». (8)
La douceur est ainsi une qualité qui lorsqu’elle se mélange à d’autres choses, lorsqu’elle accompagne des paroles, des actes …. elle les embellit. On peut se poser la question, par exemple, ce que c’est que de « prier avec ar-rifq » ? C’est ne pas élever la voix, prier avec humilité, se prosterner avec douceur, comme il est cité dans le saint Coran : « Et dans ta Salat, (prière) ne récite pas à voix haute ; et ne l’y abaisse pas trop, mais cherche le juste milieu entre les deux. » (9). Ou encore ce que c’est que de « parler avec ar-rifq »? C’est la politesse dans la parole, ne pas élever la voix, ne pas couper la parole etc.
Toutes démarches, actions, paroles seront fructueuses et productives si elles sont accompagnées de douceur. A l’inverse de la violence, « al-‘unf » (l’antonyme d’ar-rifq), qui exprime la dureté, brusquerie et n’apporte rien de bon.
Le Prophète paix et salut sur lui, en guise d’exhortation, met en opposition la douceur et la violence. Il donne des exemples afin de montrer la valeur utilitaire de la douceur dans notre rapport à autrui, dans l’appel à Dieu … parce qu’il nous a été ordonné dans notre religion de faciliter, d’annoncer la bonne nouvelle comme l’illustre cette parole du Prophète, paix et salut sur lui : « Enseignez, facilitez et ne rendez pas les choses difficiles, annoncez de bonnes nouvelles et ne faites pas fuir et lorsque l’un d’entre vous s’énerve qu’il se taise » (10)
La douceur (ar-rifq) se décline sous trois formes : Il y a la douceur verbale (politesse dans la parole), la douceur gestuelle (serrer la main chaleureusement, sourire) et la douceur morale (honorer, valoriser, aider… autrui). Tout comme son contraire, la violence (al-‘unf) se décline aussi sous trois formes : Il y a la violence verbale (élever la voix, insulter), la violence gestuelle (taper, pointer du doigt) et la violence intentionnelle (humilier, calomnier).
Bien qu’elle soit une précieuse vertu, ar-rifq est une vocation à laquelle doit aspirer tout croyant. A cet effet, Jâbir Ibn ‘Abdullâh rapporte que le Prophète, paix et salut sur lui, a dit : « Quiconque est privé de douceur, est privé de tout bien » (11). Il s’agit du même bien qui est la raison d’être de cette nouvelle communauté. Comment y prétendre si on est privé de cette douceur ? « Que soit issue de vous une communauté qui appelle au bien, ordonne le convenable, et interdit le blâmable. Car ce seront eux qui réussiront ». (12)
La douceur est ainsi un fondement, un affluent de la foi ; et celui qui en est privé est privé de tout bien. On peut accomplir la prière, donner une aumône, faire du bien, mais ces mêmes actions peuvent être faites avec agressivité, ostentation, fierté…
Comment acquérir cette douceur ?
La douceur (ar-rifq) s’acquiert en s’inspirant du vécu de notre Bien-aimé Prophète, paix et salut sur lui, de son éthique, de ses qualités lors des situations délicates, il est notre modèle par excellence : « En effet, vous avez dans le Messager de Dieu un excellent modèle [à suivre], pour quiconque espère en Dieu et au Jour dernier et invoque Dieu fréquemment » (13)
Ar-rifq est une des vertus du cœur. Ces dernières comme la volonté, le recueillement, la loyauté, la sincérité… s’acquièrent en la compagnie des croyants, de cœur en cœur, à travers l’amour, le respect qu’on leur porte. L’imam Abdel Qader Jilani, que Dieu l’accueille dans Sa grande miséricorde, exhortait ses disciples à fréquenter les initiés, en précisant que leur compagnie est un remède, une guérison pour les cœurs : « Toi dont le cœur est malade, il te faut un remède : le remède ne se trouve que chez les justes parmi les serviteurs de Dieu, exalté soit Son nom. Reçois d’eux le remède et emploie-le, tu auras alors la guérison permanente, la santé éternelle pour ta spiritualité »(14)
Acquérir cette précieuse vertu en compagnie des fidèles est une discipline qui requiert de l’exercice, de l’effort, de la patience. On peut avoir cette qualité à l’égard des personnes âgées, avec nos parents, nos enfants, nos responsables, et à l’inverse être tyranniques avec nos conjoints, des personnes qui ne sont pas de confession musulmane … Chacun(e) d’entre nous doit rechercher et combler ses lacunes en douceur et la planter partout où elle est absente.
Quelles sont les dimensions de la douceur ?
Le professeur Abdessalam Yassine, que Dieu l’accueille dans Sa grande Miséricorde a dit : « Le croyant est comme un vent doux, il ramène la douceur dans tous les lieux, car Dieu aime la douceur dans toute chose ».
Au sein de la famille, la douceur se concrétise dans la relation envers les parents, le conjoint, les enfants, les proches. Cette qualité se manifeste aussi bien à travers la parole, l’action, le comportement … en faisant preuve de bonté, de patience, de générosité, d’écoute et de présence. Combien de foyers sont protégés par la douceur et la bienveillance des époux l’un envers l’autre ? Et combien de parents sont respectés et écoutés plus facilement en se montrant doux et pédagogues avec leurs enfants ?
Au sein du groupe des croyants, la douceur est essentielle dans le dialogue : « Dis à Mes serviteurs de prononcer de belles paroles. » (15). Elle consiste à être poli dans ses propos, à simplifier le discours, à rendre les choses accessibles et non difficiles. C’est permettre aussi à chacun(e) de cheminer, de s’épanouir (étape par étape tout comme le Prophète, paix et salut sur lui, qui a enseigné, à travers la révélation, l’islam graduellement). C’est aussi être souriant, être à l’écoute, aider… C’est aussi ne pas imposer des choses, mais encourager les belles initiatives à travers la concertation.
Au sein de la société, la douceur a toute son importance ; elle est une qualité inhérente à celles et ceux qui souhaitent contribuer au projet d’appel à Dieu. Elle est le meilleur atout du croyant, sa meilleure arme, sa meilleure défense. Elle est la porte à travers laquelle on touche les cœurs, avec la permission de Dieu, et à travers laquelle on contribue au changement, en faisant preuve de clémence, de patience, de générosité, en facilitant, et en ne répondant pas par la violence : « La bonne action et la mauvaise ne sont pas identiques. Réponds au mal par ce qui est meilleur, et tu verras ton ennemi se muer en fervent allié ! Mais une telle grandeur d’âme est seulement le privilège de ceux qui savent faire preuve de patience et de ceux qui sont touchés par une grâce peu commune. » (16)
Nos sociétés souffrent aujourd’hui de la rupture des relations, de la violence, de l’individualisme, de la haine… On a besoin de douceur en toutes choses pour réussir le changement (au sein de la société et dans nos foyers). Il n’y a pas de changement sans efforts. Et le changement de l’Homme c’est l’endurance, et celui-ci se fait par la douceur. D’où viendrait cette douceur ? Elle émane de la petitesse de chacun(e) devant la Grandeur du Tout-Puissant ; c’est agir avec humilité et croire avec certitude que c’est la volonté de Dieu qui réalise le changement et non les actes.
La douceur au temps du Prophète, paix et salut sur lui, était incarnée par tous les compagnons, pas juste une personne. Elle faisait partie intégrante de la vie des fidèles, c’était une attitude de cheminement et elle accompagnait tous leurs faits, paroles et gestes.
Puisse Dieu nous couvrir de Sa douceur, Il est Le plus Doux et nous permette de faire preuve de douceur en toutes circonstances.
(1) Hadith rapporté par Boukhari
(2) L’ihsâne, le plus haut degré de l’Islam : « c’est adorer Dieu comme si tu le voyais, car si tu ne le vois pas, certes Lui te voit » (Hadith de l’Ange Gabriel, rapporté par Mouslim)
(3) Hadith rapporté par Nassai
(4) Hadith rapporté par Al Bazzar
(5) Hadith rapporté par Boukhari
(6) Coran : Sourate 3, verset 159
(7) Coran : Sourate 20, versets 43-44
(8) Hadith rapporté par Mouslim et Boukhari
(9) Coran : Sourate 17, verset 110
(10) Hadith rapporté par Boukhari et Mouslim
(11) Hadith rapporté par Thirmidi
(12) Coran : Sourate 3, verset 104
(13) Coran : Sourate 33, verset 21
(14) Enseignements soufis, Abdel Qader El-Jilani
(15) Coran : Sourate 17, verset 53
(16) Coran : Sourate 41, verset 34
Salam Alaykum, Jazakallahumu al khayr pour cet article très instructif et utile. Qu’Allah vous récompense et vous bénisse vous et votre famille !
P-S : Dans « Dis à Mes serviteurs de prononcer de belles paroles. » (14). Je pense que c’est la réference 15 et non 14.
alaikoum salam wa rahmatou Allah,
référence corrigée, merci infiniment pour votre vigilance.
que Dieu vous préserve.
Salam aleykoum, pouvez-vous revoir les rapporteurs de la référence (10) il semble que ce ne soit pas pas boukhari, ni Muslim. On a une version de Ahmad RahiamouLah