Le jeune homme et les gens du fossé : Exemples de bravoure
« Par le ciel aux constellations, par le jour promis et par le témoin et ce dont témoignage est rendu ! Que périssent les gens du Fossé, du feu plein de combustible ! Quand ils étaient assis près de ce (feu) et regardaient ce qu’ils faisaient aux croyants. Et ils ne leur reprochaient que de croire en Dieu le Puissant, le Louangé, Celui à qui appartient la royauté des cieux et de la terre. Et Dieu est témoin de toute chose » (1)
A quel événement ces versets font-ils allusion ?
Ces versets font allusion à l’histoire d’un peuple ancien où des gens, qui crurent au Dieu unique, furent appelés à renier leur foi. Ils refusèrent et furent alors jetés dans un fossé (al-Ukhdûd) et brûlés vifs. Le Prophète, paix et salut sur lui, nous relate ce récit à travers ce Hadith rapporté par Sohayb, que Dieu l’agrée :
« Jadis vivait un roi qui avait un sorcier. Quand le sorcier se sentit vieillir, il dit au roi : « Me voilà maintenant âgé. Envoie-moi donc un jeune homme pour que je lui enseigne la magie ». Il lui envoya un jeune homme. Sur son chemin vers le sorcier, le jeune homme rencontra un moine. Il s’assit auprès de lui et écouta ses paroles qui lui plurent. Il faisait ainsi chaque fois qu’il se rendait chez le sorcier. Quand il arrivait auprès du sorcier, ce dernier le frappait pour son retard. Il s’en plaignit au moine qui lui dit : « Quand tu as peur de la colère du sorcier, dis-lui : « J’ai été retenu par ma famille » et quand tu crains la colère de la famille, dis-lui : « J’ai été retenu par le sorcier ».
Entre-temps, voilà qu’une bête énorme interdit le passage aux gens. Le jeune homme dit : « Aujourd’hui je vais savoir qui du sorcier ou du moine a la plus grande valeur ». Il prit une pierre et dit : « Seigneur Dieu ! Si l’œuvre du moine T’est préférable à celle du sorcier, tue cette bête afin de permettre aux gens de passer ». Il la frappa alors avec la pierre et la tua sur le coup. Les gens eurent ainsi la voie libre. Il vint en informer le moine qui lui dit : « Mon petit, tu es devenu maintenant plus fort que moi puisque tu es arrivé à ce miracle et tu vas certainement être mis à l’épreuve. S’il en est ainsi, ne dis à personne qui je suis ».
Ainsi donc le jeune homme en arriva à guérir l’aveugle de naissance et le lépreux. Il guérissait les gens de la plupart de leurs maladies. L’un des courtisans du roi qui était aveugle en entendit parler et se rendit auprès de lui avec de nombreux cadeaux. Il lui dit : « Tout ce que tu vois là est à toi si tu arrives à me guérir ». Le jeune homme lui dit : « Je ne guéris personne moi-même, mais c’est uniquement Dieu le Très-Haut qui guérit. Si tu crois en Dieu le Très-Haut, je Le prierai et Il te guérira ». Le courtisan crut en Dieu et Dieu le guérit. Il se rendit chez le roi et s’assit près de lui comme il en avait coutume. Le roi lui demanda : « Qui donc t’a rendu la vue ? ». Il dit : « Mon Seigneur et Maître ». Il lui dit : « Est-ce que tu as un Seigneur autre que moi ? ». Il dit : « Mon Seigneur et le tien c’est Dieu ». Le roi le jeta en prison et ne cessa de le torturer jusqu’à ce qu’il dénonçât le jeune homme. On fit alors venir le jeune homme et le roi lui dit : « Mon petit, te voilà arrivé à guérir avec ta magie l’aveugle de naissance et le lépreux et à faire telle et telle chose ». Le jeune homme lui dit : « Je ne guéris personne, mais c’est Dieu Seul Qui guérit ». Il le jeta donc en prison et ne cessa de le torturer jusqu’à ce qu’il dénonçât le moine. On fit venir le moine et on lui dit : « Renie ta foi ! » chose qu’il refusa catégoriquement. On ordonna d’apporter une scie qu’on plaça sur la raie de ses cheveux. On lui coupa ensuite la tête qui tomba en deux morceaux. On fit alors venir le courtisan et on lui dit : « Renie ta foi ! », mais il refusa. On plaça la scie sur la raie de ses cheveux et on lui coupa la tête qui tomba en deux morceaux. On fit enfin venir le jeune homme et on lui dit : « Renie ta foi ! » Mais il refusa. Le roi le jeta à quelques-uns de sa suite et leur dit : « Amenez-le à telle montagne et escaladez-la avec lui. Une fois parvenus à son sommet, demandez-lui de renier sa foi, sinon jetez-le du haut de la montagne ». Ils le prirent donc avec eux et escaladèrent la montagne. Il dit : « Seigneur Dieu ! Sauve-moi d’eux par le moyen qui Te plait ! ». La montagne se mit alors à branler. Ils tombèrent dans le vide et il vint dire au roi : « Dieu m’a sauvé d’eux ». Le roi le jeta à des gens de sa suite et leur dit : « Allez avec lui et mettez-le dans une grande barque. Une fois arrivés au large, demandez-lui de renier sa foi, sinon jetez-le à la mer ». Ils partirent avec lui et, une fois en pleine mer, il dit : « Seigneur Dieu ! Sauve-moi d’eux par le moyen qui Te plait ! ». La barque se retourna et ils se noyèrent. Il vint en marchant (sur l’eau) jusqu’au roi qui lui dit : « Qu’ont fait tes compagnons ? ». Il lui dit : « Dieu m’a sauvé d’eux ». Il dit alors au roi : « Jamais tu ne pourras me tuer si tu ne fais pas ce que je vais t’ordonner de faire ». « M’ordonner quoi ? ». Demanda le roi. « Tu rassembles ton peuple sur un même plateau puis tu me crucifies sur le tronc d’un palmier. Tu prends alors une flèche de mon carquois, tu places la flèche au milieu de la corde de l’arc, tu dis : « Au nom de Dieu, Seigneur et Maître de ce jeune homme » puis tu lances la flèche en ma direction, si tu fais tout cela, tu me tueras sûrement ».
Il rassembla donc les gens sur un même plateau, crucifia le jeune homme sur le tronc d’un palmier, prit une flèche de son carquois et la plaça au milieu de la corde de l’arc. Puis il dit : « Au nom de Dieu, Seigneur et Maître du jeune homme ! ». Il tira alors la flèche qui alla se planter dans sa tempe. Le jeune homme porta la main à sa tempe et mourut sur le coup. Les gens dirent alors : « Nous croyons en le Seigneur et Maître du jeune homme ». On vint dire au roi : « Ce que tu craignais est survenu ! Par Dieu, l’appréhension que tu avais s’est concrétisée et voilà que ton peuple a cru en Dieu ». Il ordonna de creuser des fossés à l’entrée de chaque route. On les creusa et on y alluma le feu. Le roi dit : « Jetez-y tous ceux qui ne veulent pas renier leur foi ». C’est ce qu’ils firent jusqu’à ce que vint le tour d’une femme qui portait son bébé. Elle eut peur et refusa de se jeter dans le feu. Son bébé lui dit alors : « Mère ! Patiente, car tu es sur la voie juste » (1)
Nous pourrions nous contenter de lire cette histoire telle qu’elle est citée dans ce formidable hadith prophétique. Tout y est décrit avec détail et notre imagination a sûrement repéré les acteurs principaux de cette histoire.
Le jeune homme et le moine
Sur son chemin vers le sorcier, le jeune homme rencontra un moine. Il s’assit auprès de lui et écouta ses paroles qui lui plurent.
Chacun de nous peut faire ce genre de rencontre sur son chemin. Pour cela, il faut être curieux, car on peut faire des rencontres qui peuvent bouleverser notre existence. Il faut être observateur et ne pas rater les occasions que Dieu nous met sur la route. Enfin, pour apprendre, il faut un enseignant, un maître, quelqu’un qui connait le chemin. Dans le Coran, nous retrouvons ce verset à propos de ceux qui sont en quête de Dieu « Interroge donc qui est bien informé de Lui » (2)
L’attitude du moine est exceptionnelle, son attitude et ses belles paroles ont plu et marqué le jeune homme. C’est toujours ainsi, les belles paroles attirent les cœurs.
Le jeune homme et le sorcier
Quand il arrivait auprès du sorcier, ce dernier le frappait pour son retard.
La violence du sorcier à l’égard du jeune homme en dit long sur sa manière d’appréhender l’éducation. Il veut le mater, le soumettre à son autorité puis celle du Roi.
Dans cette histoire, ce qui interpelle c’est l’attitude du moine qui n’a jamais interdit ou blâmé le jeune d’apprendre la sorcellerie ! Pourquoi ? Parce que les jeunes sont curieux par nature, ils ont soif d’apprendre. Savoir comment l’autre réfléchit permet d’adopter la meilleure attitude et positionnement pour l’interpeller, l’intéresser pour qu’il écoute ton message.
Dans cette histoire, les personnages sont éternels, le moine symbolise cet homme qui montre le chemin du bien, le roi et le sorcier représentent le mal et la perversion.
Dans cette histoire, le sorcier fait tout son possible pour que le jeune homme adore le roi alors que le moine fait tout son possible pour que le jeune homme adore le Roi des rois. Le roi lui dit « je te veux pour moi », le moine lui dit « je te veux pour Lui ».
Qui choisir ? Un dilemme pour ce jeune homme qui ne sait plus qui dit vrai et qui a tort.
L’histoire de la bête que le jeune va tuer d’un simple coup de pierre est symbolique. Elle lui permet de découvrir la vérité et en même temps, elle symbolise la destinée de ce jeune homme, celle de lutter contre les injustices. Le premier acte du jeune homme fut donc de libérer la route pour que son peuple puisse circuler, il ne réalisait pas que ce geste ne serait que le premier pas vers une libération encore plus grande et encore plus noble de ce peuple. Un acte qui en dit long sur ce que le moine lui avait appris, être altruiste, aimer l’autre, sortir de soi pour aller vers « Lui ».
Quand le notable aveugle vient le voir pour qu’il le guérisse et lui propose des cadeaux de la vie ici-bas (de l’argent), le jeune homme refuse et lui propose s’il accepte de croire en Dieu de repartir avec des cadeaux meilleurs. Ce notable aveugle désormais croyant a retrouvé la vue pour observer les choses matérielles de ce monde, mais plus importants, son cœur qui était aveugle à la vérité a retrouvé la foi lui permettant d’observer les choses immatérielles de ce monde et de croire en Dieu. Une foi ancrée qui se manifestera quand il s’agira d’abandonner sans aucun regret la vie ici-bas (et ses richesses) dans des conditions atroces, mais serein, il sait désormais ce qui est vrai et ce qui est faux.
Ainsi, les histoires se succèdent et la destinée de ce jeune homme se réalise.
Il est parti, sans peur, sans crainte, à la rencontre de son destin, celui de libérer son peuple de la bête qui leur bloquait le chemin de la connaissance de Dieu. Il paiera pour cela le prix fort, le roi croit l’avoir tué et en avoir fini avec lui, il ne se rendait pas compte qu’en assassinant ce jeune homme, il allumait la flamme de la révolte chez tout un peuple, comme si l’histoire se reproduisait …
Mission accomplie pour le jeune intrépide, il a libéré son peuple de la servitude.
Moralité de cette histoire
• On peut tuer les individus, mais on ne peut tuer les principes ni les idéaux.
• Le bien triomphe toujours sur le mal.
• Le bien a besoin d’être confronté au mal.
• Il y a une différence entre porter les valeurs et les incarner et les rendre visibles. En effet, le moine portait des valeurs, mais elles ne servaient qu’à lui, quand il les a transmises au jeune homme, celui-ci les a incarnées et rendues visibles sur la place publique, elles ont alors été bénéfiques et salutaires pour tout un peuple.
Cette histoire n’est pas un conte que le prophète, paix et bénédiction sur lui, a cité pour la distraction, mais c’est une histoire dont chaque acteur fait référence à une personnalité, une situation, un acte qui sont amenés à se perpétuer à travers le temps.
Toute société qui aura en son sein des jeunes prêts à s’engager pour contrer les injustices et défendre les causes justes recevra le soutien divin.
C’est un engagement divin qui est immuable et qui transcende le temps et l’espace.
(1) Coran : Sourate les constellations, Versets 1 à 9
(2) Hadith rapporté par Ahmed, Moslim et Tirmidhi