Les ancrages relationnels dans l’éducation des enfants : « Ni vu, ni connu »
Nous avons vu dans un premier temps l’attitude des parents lorsque ceux-ci commettent une erreur vis-à-vis de leurs enfants, une expérience inconfortable à la fois pour les parents mais surtout pour l’enfant. Nous en avons conclu que s’excuser, demander pardon et reconnaître son erreur est un ancrage relationnel intense qui transforme une expérience négative en expérience positive.
Dans un deuxième temps nous avons analysé l’attitude des parents quand leurs enfants font face à des échecs. « Ce n’est pas grave » est très souvent une phrase magique pour créer un espace d’apprentissage pour son enfant, et l’accompagner à la fois vers l’autonomie et la responsabilité.
Allons donc maintenant ensemble explorer le 3ème et dernier ancrage de cette rubrique qui est « ni vu, ni connu » !
Un jour, alors que j’avais 13 ans environ, je suis tombé sur des dessins à caractère sexuel (pas pornographique), je ne sais plus comment je les ai trouvés. Un jour j’étais dans la chambre de mes parents, loin des regards pour regarder ces dessins. Tout à coup, je fus surpris en flagrant délit lorsque mon père arriva et entra dans la chambre. Je n’eus d’autres réflexes que celui de quitter la chambre, pris de panique tel un voleur en jetant les dessins par terre… j’ai ressenti une très grande honte vis-à-vis de celui que j’aimais et que je ne souhaitais pas décevoir !
Quelle surprise en voyant la réaction de mon père ! Une réaction qui m’a beaucoup étonné et marqué à vie. Il s’est contenté de froisser les dessins et de les jeter par la porte (que j’ai récupérés par la suite), sans me faire aucune remarque, j’étais pourtant persuadé qu’il allait me gronder et que j’allais passer un mauvais quart d’heure. Pourtant non, il ne me dit pas un seul mot et ne me fit absolument aucun reproche … Même par la suite il ne m’en a jamais parlé.
Ce genre de réaction est bien là l’une des caractéristiques de mon père, il n’est pas le genre de parents qui aiment “les flagrant délits » ou qui profitent d’une erreur pour la relever, me gronder et me la rappeler dès que possible. Au contraire, il relativise, je sais qu’il m’a déjà vu durant mon enfance dans des situations inacceptables pour lui, mais il est fidèle à l’adage “ni vu, ni connu » tout en m’accompagnant sur le chemin de la vie et en m’éduquant de la meilleure des manières.
Sa façon de faire à mon sens est un respect pour mon intimité et surtout pour ma dignité, il aurait très bien pu s’il l’avait souhaité me rendre honteux devant tout le monde en expliquant ce que je faisais loin des regards. Cet ancrage est très important et des années après cette histoire cela a incontestablement marqué toute une vie et a créé une relation forte et solide entre mon père et moi…
En effet, l’ancrage « ni vu ni connu » dont il se servait m’a beaucoup touché, cet ancrage a fait que je n’ai jamais eu peur de mon père mais j’ai développé beaucoup de respect pour lui. Je savais que j’avais le droit à l’erreur, j’ai senti qu’il comprenait aussi les « bêtises » de cet âge, je savais également qu’il ne validait pas mais qu’il m’accompagnait à sa façon…
Etre enfant de 13 ans et voir ce comportement de son père alors que j’étais très craintif de la punition que je pensais avoir, m’a fait grandir et m’a appris beaucoup. Aujourd’hui, je fais pareil avec mon épouse, ma fille, mes proches, des inconnus, je mets en place très souvent cet adage “ni vu ni connu” pour préserver la dignité et l’intimité de ceux qui me côtoient.
C’est un réel ancrage relationnel très profond dans le sens où émotionnellement l’expérience des dessins était intense, au lieu de vivre cette expérience comme un traumatisme, je garde plutôt un souvenir positif d’une expérience négative… ça pourrait avoir l’air paradoxal mais c’est bien cela un ancrage relationnel !
Très souvent, les parents que je nomme les “snipers” ou “les chasseurs d’erreurs”, sont tout le temps à l’affût, ils remarquent le moindre geste maladroit, le plus petit comportement inacceptable de leurs enfants pour les corriger et les rappeler à l’ordre. Evidemment l’éducation consiste également à inculquer les bonnes manières et le bon comportement, l’intention des parents « snipers » est sans doute positive, ils veulent que leurs enfants soient “bien éduqués”.
Mais l’excès de toute chose a des conséquences inverses, chasser constamment les erreurs de son enfant va briser à un moment ou à un autre le lien de confiance vis-à-vis des parents (je suis tout le temps surveillé !), lien de confiance nécessaire pour accompagner son enfant, et aussi la confiance de l’enfant en lui-même qui risquerait d’être affecté, “je ne fais que commettre des erreurs, je suis mauvais,…”, cela aura un effet sur l’image de soi qu’il construit, il n’osera pas prendre d’initiative,…
Il est primordial parfois et nécessaire de faire le sourd et l’aveugle devant certaines erreurs de son enfant notamment quand l’enfant sait qu’on l’a vu, laisser passer l’erreur tout en étant présent près de lui et parallèlement l’accompagner et lui inculquer les bonnes mœurs et bons comportements sans profiter de chacune de ses erreurs pour le sermonner et lui faire la morale. Un enfant sait quand il fait quelque chose qui n’est pas très bien et le voir sans rien lui dire ne valide pas son acte mais le responsabilise. Les liens de confiance, de proximité, de respect et d’amour entre vous n’en seront que plus forts et renforcés.
Merci pour votre témoignage qui m’évoque des souvenirs lointains de mon enfance / adolescence où je n’ai parfois pas été réprimandée par mes parents alors que j’aurais dû l’être vu la gravité de mes erreurs, mais je suis reconnaissante envers eux, avec du recul, maintenant que j’élève mes quatre filles. J’ai compris qu’il ne fallait pas afficher les erreurs de nos enfants au grand jour, pour l’avoir fait TROP souvent malheureusement mais à regrêt et m’être entendue dire “Mais maman !!! pourquoi racontes-tu toujours à tes amies ce que je fais?!”