Être Musulman
Comment faire pour réintégrer l’islam si Je suis Musulman de nationalité et que les attaches qui me liaient jadis à la foi de mon père que je regardais prier dans ma prime enfance se sont effilochées, si bien qu’il n’en reste que des vestiges ?
Comment m’initier à l’islam si je suis le produit d’une société laïque et indifférente aux choses de la foi et qu’une vague attirance à l’islam m’appelle à mieux savoir, à essayer peut-être de pratiquer l’islam ?
Sous le couvert de la volonté souveraine de Dieu – glorifié et magnifié soit Son Nom, Lui seul accorde Sa Grâce à qui Il prédestine, le premier pas doit venir de toi. Le Prophète -Grâce et Paix sur lui- rapporte cette promesse divine: “Qui vient vers Moi à pas lents, Je viendrai à sa rencontre à pas rapides” (1)
Il faut d’abord prendre son temps pour méditer profondément et s’assurer que cette vocation au sens radical du mot, c’est-à-dire cet appel du cœur n’est pas une simple fantaisie. Ce premier pas à une époque où notre temps est colonisé par le multimédia est déjà une preuve du sérieux de notre quête.
Pas le temps ! Pas le temps ! est le leitmotiv des esprits hébétés par l’instant, incapables de concentration, que nous sommes devenus. Il faut nous arracher aux fausses urgences de la vie et consacrer le temps nécessaire pour approfondir nos idées et nos sentiments et nous tenir à bras-le-corps pour nous interroger vigoureusement et solennellement : Où vais-je?
A ce stade, une lecture du Coran, et une longue relecture, nous permettra de secouer le train-train quotidien et faire la sourde oreille au tohu-bohu des discours humains pour écouter avec l’oreille du cœur le langage sacré. Ne nous laissons pas rebuter par la séquence, apparemment illogique pour un profane, de la langue arabe et des phrases coraniques traduites en langue profane, et laissons-nous nous pénétrer par la musique du Texte Sacré en le psalmodiant si nous avons le bonheur de pouvoir lire le texte originel. Si la patience vient à nous manquer, une longue et patiente fréquentation d’une ou de plusieurs “traductions” nous mettra au diapason peut-être avec le Message de Dieu, la Grâce de Dieu aidant.
Tout en soignant la qualité de nos engagements familiaux et sociaux, il est impératif de mettre fin à nos mauvaises fréquentations s’il se trouve qu’on en ait. Ce n’est pas là une invite à s’isoler dans un ermitage ; il faut avoir le courage de couper court aux habitudes de complaisance sans pour autant se départir d’une courtoisie de bon aloi. La défection des amitiés troubles n’est pas chose facile ; il faudra supporter la dérision et les railleries des personnages invétérés qui ne manqueront pas de nous chercher noise pour nous retenir.
Il faudra vaincre nos réticences et enfoncer les barrages. Il faudra supporter sans violence les nuisances et les dommages, faire front et ne pas se réfugier dans des attitudes évasives de peur qu’on ne nous diabolise et qu’on ne nous déchiquette. La réconciliation avec notre Créateur sera prise pour une trahison dans les rangs de nos connaissances habituées à nous voir sous d’autres traits que ceux d’un homme ou d’une femme repentants à Dieu.
Il faut s’attendre à ce que nos anciens amis, restés enracinés dans leurs habitudes de dissipation, se montrent férocement opposés à notre initiative de dégarnir leurs rangs.
Homme mon frère ! Femme ma sœur ! Je retrace ici l’itinéraire psychologiquement et socialement douloureux de tout candidat au cheminement vers Dieu. Le premier pas vers Dieu est coûteux, si tu n’es pas capable de payer le prix, n’attends pas de moi de te proposer un tarif au rabais. Si tu ne peux pas faire front et foncer vers ton but sans te soucier des préjudices et des souffrances, pleure ton insignifiance et contente-toi d’une bébête de vie, terne et sans histoires.
Je t’ai proposé le modèle immuable du comportement courageux des Prophètes et de leurs Compagnons, modèle que tu liras dans le Coran, que le Coran te conte et te reconte pour éprouver la véracité de tes voeux et pour t’encourager.
Passée l’épreuve solitaire du détachement, il te faudra chercher une rencontre, il te faudra aller vers une autre compagnie et t’y faire une place. Il faudra t’adapter à un autre milieu et te faire adopter. Rien ne remplacera une rencontre et un compagnonnage” spirituel. Le compagnonnage est une notion des plus essentielles en islam, et souvent Dieu place sur le chemin des repentants des personnes au coeur limpide.
La mosquée est sans doute le lieu idéal pour trouver un compagnonnage idéal. Au seuil de la mosquée, on fait ses adieux aux trivialités du monde pour entrer en communion avec le sacré. Cinq fois par jour le rang des fidèles en prière parmi lesquels nous ferons notre place sera pour nous un endroit privilégié où notre âme s’ouvrira pour recevoir les effluves d’une spiritualité propre à la maison de Dieu.
La prière est le pilier central de l’islam, la prière en groupe est 25 fois meilleure que la prière solitaire. Le jeûne de ramadan, le don de la zakat et le pèlerinage sont des obligations dont un musulman est tenu de s’acquitter scrupuleusement pour donner crédit à sa profession de foi. La première obligation qui est celle de prononcer la formule: “Je témoigne qu’il n’y a de dieu que Dieu et que Mohammad est son Envoyé” ne rime à rien si la prière cinq fois par jour et toujours ainsi que les autres obligations ne sont pas respectées.
D’aucuns protestent à tout bout de champ: “nous sommes tous musulmans” sans qu’on les voie jamais se prosterner devant Dieu. Est-ce une hypocrisie consommée ou une ignorance affligeante de ce que c’est que d’être musulman?
Ceux-ci devraient savoir que l’islam n’est pas une amusette culturelle que puisse vous exposer quelque conférencier islamologue spécialisé dans l’art de réviser les écoles juridiques et de démêler les intrications et les divergences du passé islamique. Être Musulman de naissance et de nationalité ne nous affranchit pas des obligations islamiques, la prière en premier, cinq fois par jour et toujours.
Qui croit-on tromper ? Le salut de notre âme dépend de notre engagement sincère. Notre élévation spirituelle dépend de l’autodiscipline que l’on saura ou non s’imposer. La prière, ainsi que les autres actes d’adoration et l’ensemble des vertus morales qu’un bon musulman doit pratiquer, constituent une ascèse déterminante; on est capable d’assumer notre propre réhabilitation ou on n’est qu’un mollusque à forme humaine.
Ceux qui ont intériorisé le modèle occidental de vivre se soumettent bien à un rituel quotidien et à un code de conduite. Leur temps est compartimenté et réglé. Leur santé physique et leur plastique ne les préoccupent-ils pas ? Ne courent-ils pas chez le médecin au moindre bobo ? Ne vont-ils pas chercher le moyen de préserver leur santé physique au prix fort ? Pourquoi leur santé morale et spirituelle ne les inquiète-t-elle pas? Pourquoi ignorent-ils les maladies de leur âme ?
Parce qu’ils sont modernes, laïques, majeurs et vaccinés contre le sermon fanatique, pardi!
A la mosquée, âmes sœurs qui me lisent, vous trouverez la foule des fidèles. Abattez votre suffisance et abandonnez vos manières guidées. Mêlez-vous au commun des fidèles et ne vous attendez pas à des prévenances si vous êtes une personne socialement distinguée. A la maison de Dieu, on est tous serviteurs de Dieu, et l’humilité s’apprend au contact des humbles.
Cherchez à la mosquée une rencontre, une antenne qui vous mettra en communication avec les âmes assoiffées de vérité comme vous.
L’islam est ascension, l’islam n’est pas un état stationnaire. Le premier échelon est celui du musulman pratiquant et soucieux de remplir ses obligations que la Loi prescrit à tout musulman. Le deuxième échelon est celui de l’iman, degré élevé où l’adoration et la droiture morale vont de pair. Troisième degré l’ihsan qui est le tremplin et l’espace infini du grand voyage spirituel. Au degré suprême, un guide spirituel est nécessaire car le cheminement est long et la route pleine d’embûches. Il faut un guide spirituel, un tuteur jusqu’à ce que le plant de l’être spirituel prenne racine et développe vigueur.
J’ai parlé d’échelons et de degrés, j’aurais dû parler de briques et d’étages car l’image d’un édifice qui se construit doucement mais sûrement est plus juste. On ne peut construire sur le vide et avec du vide: la progression sur la vole du perfectionnement moral et spirituel qu’est l’islam est une construction et l’accomplissement des obligations de la Loi en sont les briques et le ciment, la prière en premier.
Méfiez-vous, âmes sœurs, des rencontres douteuses. A la mosquée, surtout dans les mosquées de la diaspora musulmane, vous rencontrerez des musulmans érudits et experts en matière de diatribes qui vous parleront de la Loi et des livres en des termes secs et vidés de leur substantifique moelle. Prenez de leurs paroles la Science de la Loi et ne vous laissez pas entraîner dans les litiges stériles et le raidissement sectaire qui n’en finissent pas. Vous rencontrerez aussi des soufis enivrés d’extase “spirituelle”, prenez d’eux le conseil d’aimer Dieu et ignorez toute autre chose.
Priez Dieu lors de vos oraisons de choisir pour vous la compagne, l’école, qui guidera vos pas et assistera votre cheminement vers Lui. Et faites de votre mieux en scrutant l’horizon du Seigneur et en frappant à Ses portes inlassablement. Lui seul est l’espoir des chercheurs de vérité. Cherche, mon frère. Cherche, ma sœur.
Pour l’incrédule agacé, le sermon intégriste est terminé !
Extrait de “Islamiser la modernité” Abdessalam Yassine.
(1) Hadith Qodsi rapporté par Boukhari et Mouslim.