La prime nature de l’enfant

Ce don précieux a tantôt fait de l’homme, quand il a su le préserver un être si bon, si clément, un formidable gestionnaire de la vie sur terre, une miséricorde envers son prochain et un être plein de reconnaissance envers son Créateur et tantôt une créature démoniaque semant la corruption sur terre et sur mer.

L’adulation de la vie présente prend des proportions incommensurables dans nos sociétés actuelles. La place qui lui est faite à travers les médias, la littérature, le cinéma, l’économie, la politique a de quoi nous inquiéter sur le devenir spirituel de l’Homme. Pourtant ce dernier est programmé à ne pouvoir connaître la Paix intérieure, le bonheur, l’équilibre que dans le souvenir permanent de son rendez-vous avec son Créateur. Dans Son immense Miséricorde, Dieu a enrichi l’Homme d’une nécessité salvatrice : Le besoin inhérent d’aimer, d’adorer, de s’en remettre à Dieu. Ce don inestimable est inscrit dans le patrimoine « génétique » spirituel de l’Homme. Quel don ! Quelle richesse ! Quelle merveille ! Ce don c’est la Fitra (1)

« Dirige tout ton être vers la Révélation de Dieu telle est la nature que Dieu a originellement donnée aux hommes – pas de changement à la création de Dieu -. Voilà le Message de droiture; mais la plupart des gens ne savent pas. » (Coran – Les Romains)

Ô Homme souviens-toi

L’amnésie neurologique est terrible mais l’amnésie spirituelle est fatale. Souviens-toi Ô Homme de ce pacte originel passé avec ton Seigneur. « Et quand ton Seigneur tira une descendance des reins des fils d’Adam et les fit témoigner sur eux-mêmes : “Ne suis-Je pas votre Seigneur ? ” Ils répondirent : “Mais si, nous en témoignons…” – afin que vous ne disiez point, au Jour de la Résurrection : “Vraiment, nous n’y avons pas fait attention” » (sourate Al A’raf, verset 172).

Préserver la mémoire spirituelle de l’Homme passe par la préservation de la prime nature « Al Fitra » chez l’enfant. Ce don précieux a tantôt fait de l’Homme, quand il a su le préserver un être si bon, si clément, un formidable gestionnaire de la vie sur terre, une miséricorde envers son prochain et un être plein de reconnaissance envers son Créateur et tantôt une créature démoniaque semant la corruption sur terre et sur mer.

Adam, le premier Homme (que La Paix soit sur Lui), a préservé et transmis cette Fitra à ses enfants mais, tous n’ont pas pris soin de ce trésor. C’est pourquoi Dieu a envoyé à travers l’histoire de l’humanité des Messagers chargés d’éveiller et de réveiller La Fitra qui sommeille en chacun de nous. Puis, après la clôture de La Prophétie, cette mission a été donnée aux spécialistes de l’amnésie spirituelle parmi les héritiers du Prophète.

On comprend d’autant plus la place qui est faite aux parents en Islam. En effet ce sont eux qui sont en premier lieu les responsables de la préservation de ce patrimoine chez l’enfant. La mère a le rôle fondamental dans cette transmission c’est pourquoi elle est dotée d’un lien privilégié avec l’enfant et d’une sensibilité innée incroyable. Mais, les gens ne sont pas tous conscients de leur responsabilité. Et à cette inconscience vient s’ajouter l’état de la Fitra de chacun reçu en héritage des générations précédentes. Comme la malformation physique peut être la conséquence de l’état des gènes transmis, la décadence de l’Homme et son amnésie du pacte originel sont les conséquences de la dépravation de cette Fitra : « Les vices partent d’une dépravation du cœur » (2) Préserver la Fitra chez l’enfant c’est préserver l’Homme de demain, c’est préserver l’humanité de cette amnésie spirituelle.

Le choix de la Fitra

Durant le Voyage de l’ascension du Prophète (paix et salut sur lui) dans les cieux, deux coupes ont été présentées au Prophète, l’une contenant du vin et l’autre du lait. Il choisit le lait et l’archange Jibril lui dit : « tu as choisi la Fitra, telle est la position naturelle de ta Communauté. » Le cœur du Prophète étant le plus préservé, il a choisi là ce qui symbolise la Fitra. Le Messager de Dieu nous enseigne que : « Chaque enfant qui vient au monde naît dans la Fitra (l’Islam), ce sont ses parents qui font de lui un juif, un chrétien ou un adorateur du feu. » Le Messager de Dieu a également dit rapportant de son Seigneur : « J’ai créé tous Mes serviteurs monothéistes, alors, les diables sont venus à eux et les ont détournés»

Comprendre la Fitra de l’enfant c’est le préserver

En méditant les attitudes du Prophète envers les enfants, on constate le souci permanent du Prophète de préserver la Fitra de l’enfant et de la développer. Sa pédagogie envers les enfants est d’une profondeur incroyable. Elle révèle sa connaissance et sa compréhension des dimensions dans lesquelles évolue l’enfant. Il est maître dans l’art de préserver la prime nature de ce futur Homme responsable. Les attitudes pédagogiques du Prophète révèlent un souci permanent du devenir de la Fitra de cet enfant. Et ce sont nos réactions, nos décisions, la nature de notre rapport avec l’enfant qui font que l’on préserve la Fitra chez lui ou bien on la pervertit.

Quelle est notre vision du monde de l’enfant ?

Pour certains, le monde dans lequel évolue l’enfant c’est le monde des adultes en miniature; pour d’autres c’est un monde énigmatique plein de défis et de difficultés, et d’une complexité inimaginable. Mais le Prophète nous montre qu’il n’en est rien, c’est au contraire une étape de la vie particulière où la Fitra est intacte, où le souvenir du pacte originel est encore frais, où l’enfant est sur le bon départ et la bonne lancée et que ce sont les parents qui le déroutent ou bien lui assurent la continuité sur cet élan providentiel.

Voici quelques clefs, qui peuvent nous aider à pénétrer dans le monde de l’enfant pour mieux comprendre sa Fitra et mieux la préserver.

1. L’enfant est un être sain par essence et non un sujet éducatif perverti à la base, qu’il faut corriger

« Chaque enfant qui vient au monde naît dans la Fitra » Les parents doivent avoir la certitude que leur enfant vient au monde doté de tout ce qui lui permet de suivre le Vrai Chemin qui mène à la réussite éternelle. Que Dieu a tout donné à cet enfant pour qu’il puisse mener une vie saine et réussir sur le Chemin de Dieu. Ne pas concevoir la Fitra comme cela, c’est partir du mauvais pied dans le long chemin de l’éducation. L’intervention parentale est à la base une intervention de développement de la Fitra et non de correction. C’est une aide que l’on apporte à l’enfant dans le développement de ses capacités. Toute faute provenant de l’enfant c’est nous qui en sommes responsables (parents en premier lieu). Le souci permanent de préservation de la nature originelle de l’enfant est un facteur éducatif pour les parents eux-mêmes. En effet, au lieu de se focaliser sur ce qu’il y a à corriger, ils se soucient de plus en plus de ce qui a été la cause de leur échec à comprendre la nature de leur enfant.

2. La notion de devoir passe chez l’enfant par le canal du plaisir et non par celui de la douleur.

Dieu ne considère pas l’enfant comme un être responsable étant donné que ses facultés physiques, psychologiques et spirituelles n’ont pas encore atteint leur maturité. Cette notion fondamentale nous permet de comprendre et de respecter les différentes étapes de son développement. Comment alors faire pour transmettre la notion de devoir à l’enfant ? Le Coran nous apprend qu’elle passe par le même canal que celle de l’adulte à la différence qu’elle évolue avec la nature de l’aspiration de chacun. Ce canal chez l’enfant, c’est le canal du plaisir lié à la récompense.

L’incapacité à transmettre la notion de devoir par le canal approprié, entraîne souvent des réactions, de la part des adultes, qui portent atteinte au bon développement de cette Fitra : réactions excessives, exigence, voire injustice…. C’est pourquoi il est capital pour les parents de cultiver en eux-mêmes les différentes vertus de la foi : l’amour, la miséricorde, la patience, la longanimité. Les réactions d’autorité, de colère, de menaces punitives révèlent avant tout un déficit en vertus pieuses, en sagesse mais surtout en pédagogie.

Le Prophète a toujours puisé dans la miséricorde pour transmettre un devoir avant d’user des autres moyens pédagogiques. Que La Paix et La Bénédiction de Dieu soient sur Lui, La Miséricorde a pris chez lui le dessus sur le reste : « Et Nous ne t’avons envoyé que comme Miséricorde pour Les Mondes ».

3. Satisfaire ses désirs c’est le préserver de toute frustration

Pour un bon équilibre de l’enfant et un développement naturel, le Prophète veillait à ne pas aller à l’encontre de la Fitra de l’enfant. Il respectait les penchants naturels de l’enfant même dans les situations les plus inimaginables : certains adultes pensent qu’agir ainsi c’est prendre le risque de « gâter » l’enfant. Mais le véritable sens de ce mot nous permet de comprendre l’origine de cette crainte : gâter : c’est traiter (un enfant) avec une faiblesse et une indulgence extrêmes, qui risquent d’entretenir ses défauts. Satisfaire les besoins naturels de l’enfant et éviter de le frustrer tout en liant cela au devoir et au bien et non pour entretenir une déviance et un défaut ne pervertit nullement l’enfant. La réussite des méthodes pédagogiques par le jeu trouve là son fondement.

La pédagogie de satisfaction dont usait le Prophète (paix et salut sur lui) avec l’enfant avait également un rôle de valorisation de celui-ci. Il ne dénigrait pas les enfants à cause de leur âge mais au contraire attachait de l’importance à leur présence et les mettait en valeur. Un verre (rempli d’eau ou de lait) fut apporté au Messager de Dieu qui en but, tandis qu’à sa droite était assis un garçon qui se trouvait être le plus jeune parmi tous ceux qui étaient présents. De l’autre côté, à sa gauche, se trouvaient des gens âgés. Le Prophète demanda à l’enfant : « Ô jeune homme! Me permets-tu de donner le restant du breuvage aux personnes âgées d’abord? » Le garçon répondit : « Ô Messager de Dieu! Je ne donnerai la priorité à personne sur moi pour ce qui est de boire le restant d’un breuvage que tu as entamé. » Alors le Prophète le lui donna. (Sahih Boukhari))

4. Le temps chez l’enfant est un temps psychologique et non le temps conventionnel social

Le temps consacré aux enfants n’est pas un temps perdu pour les parents si ces parents comprennent que leur enfant les aide également à approfondir leur compréhension de l’être, mais également à cultiver en eux d’autres vertus indispensables pour le cheminement vers Dieu tels que l’endurance, l’amour dans la peine et la douleur comme dans la joie et le bonheur et bien d’autres. Il est évident que la notion du temps chez l’enfant n’est pas la même que celle qu’en ont les adultes. Le temps chez l’enfant est un temps psychologique et non le temps conventionnel social. Le temps chez l’enfant est lié à la douleur et au plaisir.

Comprendre le rapport de l’enfant au temps c’est comprendre sa psychologie et sa personnalité d’enfant. Pendant les moments de jeux, le temps est comme figé dans l’esprit de l’enfant. Le Messager de Dieu (que La Paix et La Bénédiction de Dieu soient sur Lui) entrait facilement dans cette dimension au contact des enfants. Il ne brusquait jamais les enfants dans leur jeu mais y pénétrait avec eux dans une harmonie et une connivence qui déroutaient ceux qui en étaient témoins. Il lui arrivait souvent de jouer avec son petit-fils en lui montrant sa langue, en la faisant bouger de droite à gauche et de gauche à droite, l’enfant amusé, essayait de l’attraper. Il lui arrivait à la vue d’un de ses petits-enfants de courir dans tous les sens pour l’attraper sous le regard amusé des compagnons. C’est un rapport de douceur et de miséricorde, de compréhension et de respect pour cet être à la fois si beau et si fragile.

Même la prière n’était pas une raison pour brusquer l’enfant dans son jeu, même cette adoration n’était pas une raison pour le frustrer ou pour lui manquer de douceur. Un jour Il priait, et son petit-fils Al Hassan se jucha sur son dos alors qu’il était prosterné. La prosternation se prolongea. Interrogé par l’un de ses compagnons, il dit : « Mon enfant est monté sur mon dos et j’ai détesté le bousculer. » Lorsqu’il entendait (Paix et Salut sur Lui) les pleurs d’un enfant, il allégeait la prière par miséricorde pour l’enfant et sa mère.

Le Prophète nous apprend à être conscients du rapport à avoir avec la dimension du temps chez l’enfant. C’est pourquoi il ne faut pas les brusquer en les sortant d’un jeu de force et brusquement, mais les prévenir quelques minutes avant la fin du jeu et anticiper leur demande concernant leurs besoins. Le Prophète dit : « Parfois, je commence une prière avec l’intention de la prolonger, mais lorsque j’entends les pleurs d’un enfant, je l’écourte car je sais que les pleurs de cet enfant troublent sa mère. » (Boukhari).

Notes:

[1] La Fitra : est un terme arabe qui fait référence à la nature primordiale de l’Homme en Islam état de nature; prime nature, innéité de l’Homme.

[2] La Bruyère

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