«Mon fils est monté sur mon dos me prenant pour sa monture»
Une fois, le Prophète, paix et salut sur lui, arriva à la Prière du « ‘Icha » en portant ses deux petits-fils al-Hassan et al-Housseïn. L’un des deux enfants monta sur son dos alors qu’il était en prosternation. Le Prophète, paix et salut sur lui, resta longtemps dans cette position jusqu’à ce que l’enfant descendît de lui-même. A la fin de la Prière, les gens lui dirent : « Ô Messager de Dieu ! Tu t’es prosterné si longtemps qu’on a cru qu’il t’était arrivé quelque chose ou que tu recevais la Révélation ! » Il dit : « Il n’en est rien. Mon fils est monté sur mon dos me prenant pour sa monture et je n’ai pas voulu le faire descendre jusqu’à ce qu’il en ait eu assez.»[1]
Tel était notre bien-aimé Prophète (paix et salut sur lui), il avait une capacité à s’adapter aux gens qui l’entourent et veillait au bien-être de chacun, c’est ainsi qu’il laissa son petit-fils combler son besoin de jouer sur son dos. S’il voyait comment certains d’entre nous se comportent avec les enfants qui nous « empêchent » de prier ! D’autres fois, lorsqu’il entendait un enfant pleurer il se dépêchait de terminer la prière pour soulager l’enfant et la mère.
Notre Prophète Mohammad (paix et salut sur lui) était un excellent modèle à suivre pour les croyants dans tous les domaines. Il a été envoyé comme une miséricorde pour les mondes et il appelait les gens à être miséricordieux « Il n’est pas des nôtres celui qui n’est pas miséricordieux envers les plus jeunes… ». Un jour, alors que l’envoyé de Dieu embrassait son petit-fils, un homme lui annonça qu’il n’avait jamais embrassé aucun de ses dix enfants, ce à quoi le Prophète (paix et salut sur lui) répondit « que puis-je pour toi si Dieu a enlevé la miséricorde de ton cœur ? Ou dans une autre version « celui qui ne fait pas preuve de miséricorde, il ne lui sera pas fait miséricorde »
Les sciences de l’éducation ne peuvent que reconnaître en lui un fin pédagogue à une époque où les enfants, de surcroît les filles, avaient peu de valeur. Il accordait à ces dernières le même honneur qu’aux garçons. À titre d’exemple : il portait sa petite fille Umama (fille de Zaynab) pendant la prière, il se levait lorsque sa fille Fatima rentrait chez lui. Il fut indéniablement le précurseur de l’éducation positive. Dans nos contrées, ce n’est que dans les années 60 que nous commencerons à considérer l’enfant comme un être humain à part entière notamment avec Françoise Dolto qui déclare sur les ondes radio que « l’enfant est une personne ». Notre bien-aimé Prophète (paix et salut sur lui) était bien plus avancé dans le domaine de l’enfance : il possédait l’art et la manière de valoriser les enfants et de leur montrer qu’ils « comptent » autant que des adultes.
Nous nous arrêterons dans les lignes qui suivent sur quelques épisodes (non exhaustifs) de la vie prophétique en relation avec les enfants et son modèle éducatif. Dans chacune de ses interventions se dégage une morale, une leçon, un art, un trait de son noble caractère que chacun est invité à imiter.
Pas de reproches
Le Prophète (paix et salut sur lui) n’a jamais fait de reproche à qui que ce soit. Anas – que Dieu soit satisfait de lui – a dit : « J’ai été au service de l’envoyé de Dieu durant neuf années, il ne m’a jamais fait une seule remarque »[2]. En tant que parent, nous exigeons beaucoup de nos enfants. Nous remarquons trop souvent leurs manquements, leurs mauvais comportements que les bons, nous relevons ce qui ne va pas et ne soulignons que trop rarement les bonnes actions. A ce sujet, Al Ghazali écrit : « toute qualité ou tout comportement louable de l’enfant devra être dûment apprécié et faire l’objet de félicitations et de récompenses, et il faudra en faire l’éloge publiquement »[3]
Le conseil bienveillant, ferme et concis
Lorsqu’il devait corriger un comportement il le faisait tout d’abord par souci d’éduquer et non parce que le comportement en question dérangeait sa personne. Il veillait à ce que ses paroles soient concises et comprises. Nous le savons : les enfants ne retiennent que quelques consignes à la fois. A ce propos, Umar ibn abu Salamah rapporte « j’étais sous la garde du Messager d’Allah, ma main se promena dans le plat, il me dit une fois : « Mon enfant, mentionne le nom de Dieu, mange avec la main droite et mange devant toi »[4] L’utilisation de l’impératif après un terme affectueux d’un père « mon enfant » ici ne laisse aucune marge de manœuvre : « il en est ainsi, tu dois agir ainsi pour ton éducation ».
L’affection pour les jeunes enfants
Anas (que Dieu l’agrée) dit : « Le Prophète (paix et salut sur lui) était celui qui possédait le meilleur des comportements ; j’avais un frère que l’on nommait Abou ‘Oumayr, et lorsque le Prophète venait nous voir et le voyait, il lui disait pour le taquiner : « Dis-moi Abou ‘Oumayr ! Qu’a donc fait le petit noughayr[5] ? »[6]
Etre juste envers les enfants
Un jour le Prophète (paix et salut sur lui) était assis parmi de grands compagnons, Abou Bakr le véridique, Omar ibn Al-Khattab, et Saad ibn Abi-Wakkas entre autres. À la droite du Prophète était assis un petit garçon de 10 ans (on notera que l’enfant n’a pas été chassé de cette assemblée à cause de son jeune âge). Il faisait très chaud et tout le monde avait soif, puis on apporta l’eau.
En islam, la bienséance veut que l’on serve d’abord la personne à sa droite. On donna le récipient au Prophète (paix et salut sur lui) qui but puis se tourne vers l’enfant en disant « Me permets-tu que je commence par les adultes ? » (Sous-entendu ; « tu es la personne à ma droite, c’est ton droit de boire en premier, donc j’ai besoin de ta permission pour commencer par les plus grands »…). A l’enfant de répondre « Non, ce que tu me donnes je ne le céderai à personne d’autre » (reconnaissant l’honneur et le privilège d’être servi juste après le Prophète (paix et salut sur lui) et par lui en personne – c’est une occasion qui ne se représentera peut-être plus !). Le Prophète a regardé le petit garçon, puis a regardé les adultes en disant « C’est son droit, je commencerai donc par lui… bois mon fils ». Tel fut le degré de respect et d’estime du Messager de Dieu (paix et salut sur lui) pour un enfant de 10 ans. De nos jours, on ne va même pas prêter attention au jeune au prétexte que ce sont « les grands d’abord ».
Reconnaître les compétences, responsabiliser
Oussama (que Dieu l’agrée) est un enfant de l’islam, né parmi les gens pieux. Il a été élevé dans la pureté de la foi parmi les Musulmans sincères pieux et fidèles. Son père Zaïd Ibn Haritha, était un esclave que Khadija (que Dieu l’agrée) offrit à son époux Mohammed (paix et salut sur lui). Celui-ci affranchit Zaïd pour le considérer comme son fils. Par sa piété et son attachement à l’islam, Zaïd était le préféré des compagnons auprès du Messager, de même Oussama conquit le cœur de Mohammed (paix et salut sur lui), qui le surnomma « El habib bnu l’habib» : le bien-aimé fils du bien-aimé. Selon le messager de Dieu (paix et salut sur lui) « Oussama possède toutes les qualités requises pour diriger une armée ». La reconnaissance des qualités des uns et des autres, et la confiance qu’il accordait aux jeunes, faisant ainsi passer un message encourageant au jeune Oussama : « vas-y, je te fais confiance, tu es capable ».
Eduquer à la spiritualité
Ibn ‘Abbas (que Dieu lui accorde Sa satisfaction) a dit: « J’étais une fois assis en croupe sur la monture du Prophète (paix et salut sur lui) quand il me dit: “Jeune homme! Je vais t’enseigner ces quelques paroles : Observe les commandements de Dieu et Dieu te préservera. Observe les commandements de Dieu et tu trouveras Dieu à tes côtés. Quand tu demandes quelque chose, demande-la à Dieu. Quand tu as besoin d’aide demande-la à Dieu. Sache que si tout le monde s’associait pour te faire du bien, ils ne pourront te faire que le bien que Dieu a déjà écrit pour toi. Que s’ils s’unissaient tous pour te faire du mal, ils ne pourraient te faire que le mal que Dieu a déjà écrit pour toi. Les calames (du destin) se sont depuis longtemps arrêtés d’écrire et l’encre des pages (du destin) est désormais bien sèche »[7]. On remarque ici que le Prophète (paix et salut sur lui) prend soin de préparer l’enfant avant de lui délivrer ses conseils en commençant ainsi « jeune homme je vais t’enseigner quelques paroles » : il attire son attention car ce qui arrive est précieux.
Le prophète avait plusieurs rôles dans une société post « Jahilienne » : chef d’Etat, père, époux, éducateur, guide spirituel etc. Il donnait du temps à chacun, notamment aux enfants : du temps de qualité. C’est bien ce qui nous fait défaut aujourd’hui : le temps et la disponibilité. Les parents, absorbés par leur travail, leurs préoccupations d’adultes, le ménage, la préparation des repas ne donnent au final que les miettes : le bisou du soir …et encore. La communauté doit absolument revoir ses priorités et accorder du temps de qualité aux enfants. Pour les parents en mal d’organisation Brigitte Racine[8] propose un temps exclusif pour chaque enfant de 20 minutes par jour. Cette pratique, en même temps qu’elle comble des besoins affectifs et d’appartenance, permet à l’enfant de sentir qu’il est important, qu’il compte, qu’il a sa place dans la famille, cette « forteresse » dont parle Abdessalam Yassine[9].
La responsabilité des parents et de toute la communauté est engagée (en effet le Messager de Dieu ne s’est pas contenté d’éduquer sa propre progéniture, il avait le souci de tous.) Le prophète (paix et salut sur lui) nous a clairement signifié que chacun est gardien et responsable de ce dont il a la charge. Seulement cette responsabilité ne doit pas être portée comme un fardeau au point d’user et d’abuser d’autorité et de fermeté comme on peut le voir dans beaucoup de familles. Il s’agit de trouver un juste équilibre entre bienveillance, douceur, et fermeté à l’exemple de notre Bien-aimé Messager (paix et salut sur lui).
[1] Rapporté par an-Nasa-y et Ahmed
[2] Rapporté Mouslim (Hadith 2309)
[3] Dans « La revivification de la foi »
[4] Rapporté par Boukari et Mouslim
[5] Le noughayr est un petit oiseau qui ressemble au passereau, qui était nourri et abreuvé par Abou ‘Oumayr
[6] [Rapporté par Boukhâry et Mouslim.]
[7] (Rapporté par Attirmidhi)
[8] « La discipline, un jeu d’enfant »
[9] Dans son ouvrage « femmes musulmanes » Tome 5