Alimentation et activité physique en Islam
Le taux d’obésité mondial est en constante augmentation. En France, il a presque doublé au cours des 15 dernières années. A ce rythme, la France aura rattrapé le taux d’obésité des États-Unis d’ici 2020. Parallèlement, et de manière corrélée, les maladies cardio-vasculaires sont devenues la première cause de mortalité dans le monde (30 % de la mortalité mondiale selon l’OMS !). En cause, l’obésité et la mauvaise alimentation bien évidemment, mais également le tabagisme, le manque d’activité physique, l’hypertension artérielle, le diabète et l’hyperlipidémie. La plupart de ces éléments sont liés.
À l’origine, la mauvaise alimentation et l’absence d’activité physique qui facilitent l’apparition du surpoids et de l’obésité, eux-mêmes débouchant sur des maladies augmentent le risque d’accident cardio-vasculaire. Le tabac et l’alcool aggravent certainement la situation. Néanmoins, selon une étude menée par l’International Chair on Cardiometabolic Risk, l’absence d’activité physique tue plus que le tabagisme dans le monde. Ainsi, le programme national nutrition santé, les différentes campagnes Grand Public, les slogans « manger-bouger », « cinq fruits et légumes par jour »… tous ces programmes de sensibilisation ont une forte légitimité, d’autant plus que l’obésité et les maladies cardio-vasculaires ont un coût économique important pour la société. Nous sommes donc tous concernés par ces problèmes.
Pour autant, la question de l’alimentation et de l’entretien physique sous le prisme de l’Islam n’est pas fréquemment abordée. Manifestement, peu d’Imams traitent de ces sujets lors de leur prêche du vendredi. La religion islamique ignore-t-elle ces éléments ? L’entretien de notre corps physique n’aurait-il pas sa place au côté de l’entretien de notre âme spirituelle ?
Dieu dit dans le Coran : “Et mangez et buvez ; et ne commettez pas d’excès, car Il n’aime pas ceux qui commettent des excès.”[1] Le ton est donné. L’excès en matière d’alimentation est réprimandé par Dieu. Plus encore, l’Amour de Dieu est conditionné par la juste mesure dans la manière de boire et manger. Dans le même sens, le Prophète, paix et salut sur lui, a dit : « Mangez, buvez, habillez-vous, et donnez l’aumône, tout cela sans orgueil ni excès, Dieu aime en effet voir l’effet de Ses bienfaits sur Son serviteur »[2].
La mise en garde contre l’excès de nourriture n’est pas nouvelle et trouve son origine dans les recommandations divines.
Le dernier Messager, paix et salut sur lui, est allé plus loin et a clairement condamné l’obésité. En opposant les mauvais musulmans des générations postérieures aux pieux musulmans des premières générations, il dit : « Ils témoignent sans en être dignes, ils trahissent et nul ne peut leur faire confiance, et l’obésité fait son apparition chez eux. »[3]. Il peut paraître étonnant de voir le Prophète, paix et salut sur lui, citer explicitement l’obésité au côté de caractéristiques morales comme le manque de dignité, de confiance et d’honnêteté. Et pourtant, l’obésité est souvent associée par les savants du cheminement à de l’insouciance et à un signe de dureté du cœur. Le Prophète nous dit : « Celui qui mange peu (juste ce qu’il faut) son corps jouira de la bonne santé, son cœur sera pur ; et celui qui mange beaucoup rend malade son corps et durcis son cœur ».
Ainsi, si l’alimentation peut être une source de plaisir pour la plupart des individus, il ne faut pas oublier qu’en excès, elle devient un fardeau !
L’activité physique occupe une place tout aussi importante dans la tradition prophétique. Le Prophète, paix et bénédictions sur lui, a dit : « Le croyant fort est meilleur et est plus aimé de Dieu que le croyant faible. »[4]. Celui qui entretien son corps, le rend plus beau et le renforce peut, avec la bonne intention, être encore plus aimé de Dieu. L’alimentation joue aussi un rôle central dans la santé et l’équilibre physique de l’individu. Excès ou carences peuvent affaiblir le corps et rendre l’individu plus faible.
Ibn Al-Qayyim écrit dans son livre « Zâd Al-Ma`âd » au sujet du sport : « Le mouvement est à la base du sport. Il élimine naturellement du corps les résidus et les déchets alimentaires ; il exerce le corps à la légèreté et au dynamisme ; il le rend plus réceptif à l’alimentation ; il solidifie les articulations et fortifie les tendons et les ligaments ; il prévient de tous les maux physiologiques et de la plupart des maux psychologiques, du moins si on le pratique de manière modérée, précise et ciblée. […] Chaque membre a un exercice sportif spécifique qui permet de le fortifier au mieux. Quant à l’équitation, au tir à l’arc, à la lutte et à la course à pied, ce sont des sports qui fortifient tout le corps humain, et qui éliminent les maladies durables ».
Nombreuses sont les anecdotes mettant en scène le Prophète, paix et bénédictions sur lui, et les compagnons avec diverses activités sportives, tir à l’arc, course à pied ou encore lutte. L’activité physique constitue une responsabilité individuelle et un droit de notre corps sur nous-mêmes. Un jour de bataille, le Prophète, paix et bénédictions sur lui, passa dans les rangs et s’arrêta devant un compagnon ayant un ventre prononcé. Il lui dit que ce qu’il avait là, au niveau du ventre, serait préférable là, au niveau de la poitrine, suggérant que l’individu doit entretenir son corps. Omar Ibn Al Khattab, alors Calife, ira jusqu’à ordonner aux gens du Châm : « Apprenez à vos enfants la natation, le tir et l’équitation ».
Avoir une alimentation saine et pratiquer une activité physique régulière font donc partie intégrante des enseignements de l’Islam qui recommandent l’équilibre dans tous les aspects de la vie, des plus primaires ou plus élevés. Cette hygiène de vie ne devrait pas nécessiter de justifications religieuses pour être mise en application, car il en va de notre santé, de notre vigueur et de notre capacité à entreprendre. Assurément, l’individu mal alimenté, en surpoids ou faible physiquement sera handicapé non seulement dans sa pratique religieuse et dans son engagement pour Dieu (impossibilité de se prosterner, difficulté à se lever le matin, épuisé par le travail, trop lourd pour aller à la mosquée…), mais également plus largement dans toutes les sphères de sa vie. Et ce handicap s’intensifiera à mesure que les années passeront. « Profitez de la santé avant la maladie » nous dit le Prophète. Que dire lorsque nous sommes responsables de nos propres maladies.
[1] Coran : Sourate 7, verset 31
[2] Hadith rapporté par Al Bukhari
[3] Hadith rapporté par Al-Bukhari et Muslim
[4] Hadith rapporté par Muslim