Débat sur l’islamophobie à l’Assemblée nationale

Discours introductif d’Ismahane Chouder lors de la rencontre-débat organisée à l’Assemblée nationale le mercredi 20 novembre 2013, sur invitation de Noël Mamère, député de Gironde.

 

Mesdames, Messieurs,

Le rapport d’Amnesty international publié en avril 2012 sur « La discrimination à l’égard des musulmans en Europe » est accablant.

Le rapport 2012 de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) ne l’est pas moins. Il confirme l’inquiétante montée des sentiments et des actes antimusulmans en France. Rendu public le 21 mars 2013, il révèle que les  actes islamophobes ont augmenté de 30 % entre 2011 et 2012, alors même qu’ils avaient déjà augmenté de 34 % en 2011.

Les femmes en sont les principales victimes. Et ce constat résonne d’autant plus à quelques jours de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.

Selon le rapport 2012 du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), elles subissent 94 % des agressions islamophobes recensées.

Ces agressions se multiplient ; le silence qui les entoure est effrayant, accablant. Les violences contre les femmes se développent, aujourd’hui comme hier, sur le terreau d’un silence qui banalise et tue.

La fabrication au cours des 20 dernières années de la « menace islamique » a servi de fondement pour légitimer lois, circulaires etc. Et sert aujourd’hui a cautionné les passages à l’acte envers les femmes qui portent un foulard.

C’est bien parce que ces femmes sont perçues à travers un filtre d’altérité tel que toute empathie, toute identification est impossible que la violence, symbolique, verbale ou physique, à leur égard peut s’exprimer impunément.

Notamment quand elles sont légitimées par des déclarations qui font du combat contre le foulard le combat essentiel de la République.

Particulièrement quand les raisons invoquées sont « respectables » et « honorables ».

C’est au nom de la « libération » des femmes et au nom de la laïcité que s’est jouée la mise en scène du débat sur le foulard à l’école et l’exclusion des élèves le portant, c’est toujours au nom de la libération des femmes et de la laïcité que toutes les récentes propositions de loi ont été faites.

Loi 2004, 2010, circulaire Chatel, proposition de loi visant les assistantes maternelles à leur domicile, crèches privées, dans l’entreprise, à l’université… Charte de la laïcité.

Bandeaux, jupes et robes trop longues… La surenchère « laïque » et « féministe » égrène son lot de discriminations, stigmatisations, humiliations… et dénis de droits.

Le temps n’est-il pas venu de questionner le bilan des lois de 2004 et 2010 ?

Ces lois ont-elles réellement, peu ou pas du tout, participé à l’émancipation des femmes qu’elles prétendaient libérer ? N’ont-elles pas plutôt légitimé un racisme désormais quantifiable et identifiable ?

Les erreurs de jugements et amalgames ou glissements de pensée qui favorisent des visions binaires piégées sont regrettables et contestables et invalident de façon dommageable la recherche et la défense commune d’un cheminement vers une dynamique universaliste qui soit effective et se construise à partir de toutes les luttes d’émancipation aux multiples composantes.

En tant que présidente d’un collectif réunissant des femmes, musulmanes et non, croyantes ou pas, voilées ou pas…  femmes et féministes convaincues, je suis en colère contre les féministes qui oublient la solidarité de base envers les femmes victimes de toutes les discriminations et qui enferment certaines catégories de femmes – musulmanes – dans un monde à part où des critères communs à tous les combats émancipateurs (l’autonomie de choix particulièrement) ne s’appliqueraient pas…

Quelle que soit l’opinion des un-e-s et des autres sur le foulard, rien ne justifie d’essentialiser et de déshumaniser des femmes qu’on réduit à un signe abstrait et que l’on exclut de toute vie publique. Notamment quand cette posture émane de ceux qui se découvrent soudainement « féministes » quand il s’agit de l’islam.

La rhétorique du « eux » et « nous » remplit deux fonctions : donner un visage acceptable et une justification morale à l’islamophobie.

Les musulman-e-s de ce pays sont des citoyens de plein droit et demandent à l’institution de tenir sa promesse la plus essentielle : veiller à l’intégrité de ses citoyens et à la protection de leurs libertés les plus fondamentales.

Je veux ici ce soir, avec vous tou-te-s, interpeller, interroger ceux qui participent à la parole et à l’action publique quant aux moyens mis en œuvre pour lutter contre ce racisme spécifique qu’est l’islamophobie  afin de placer la discussion sur le terrain de l’action à venir. Du rôle que l’État, les médias, les ONGs et les élus doivent jouer pour apporter une contribution identifiable et efficace dans la lutte contre l’islamophobie, en incluant dans le phénomène un préjudice qui dépasse la seule communauté musulmane, dans sa capacité à construire des clivages dangereux et à détruire ce qui fait société : le lien entre citoyens.

Je vous remercie pour votre attention.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un commentaire

  1. Salam Aleykoum,
    Je suis content de voir notre sœur défendre les femmes citoyennes de confessions musulmanes de notre pays.
    Que Dieu te garde et te facilite dans toutes tes entreprises.
    Allahi feth

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