Vie du Prophète : les proches ancêtres
« Notre Seigneur ! J’ai établi une partie de ma descendance dans une vallée stérile auprès de la Maison sacrée – Ô notre Seigneur ! – Afin qu’ils s’acquittent de la prière. Fais en sorte que les cœurs de certains hommes s’inclinent vers eux, accorde-leur des fruits en nourriture(…) »[1]
Cette prière d’Abraham fut exaucée, peu de temps après la vallée fut peuplée.
Vers l’an 400 de l’ère chrétienne, Qussay, un homme de Quraysh, puissante tribu de la lignée abrahamique, épousa une fille de Hulayl, chef des Khuza’ah. A la mort de ce dernier, Qussay fut désigné gouverneur de la Mecque et gardien de la Ka’ba, notamment car Hulayl l’estimait plus que ses propres fils et qu’il possédait une personnalité éminente parmi les Arabes. A chaque génération, un homme se distinguait parmi le lignage de Qussay ; parmi ses quatre fils, Abdu Manaf était celui que l’on honorait alors que son père avait une préférence pour Abdou Ad-Dar, son premier-né mais celui qui était le moins doué. Quelques temps avant sa mort, il lui confia « Mon fils, je te placerai au même rang que les autres, même si les gens honorent ceux-ci davantage. Nul n’entrera dans la Ka’ba si tu ne lui y donnes pas accès, nulle autre main que la tienne ne pourra nouer pour les Quraysh leur étendard de guerre, aucun pèlerin ne puisera de l’eau pour boire à la Mecque à moins que tu ne lui en donnes le droit et ne mangera d’autre nourriture que celle que tu lui fourniras et les Quraysh ne prendront nulle décision si ce n’est dans ta maison. » [2]
Abdu Manaf accepta l’investiture de son frère par piété filiale mais dès la génération suivante, la moitié des Quraysh se réunirent autour de Hashim, fils d’Abdu Manaf, homme le plus remarquable de son temps. Ceux-ci demandèrent à ce que les droits soient transférés du clan de Abdou Ad-Dar à celui de Hashim. Les esprits commencèrent à s’échauffer et une lutte était sur le point d’être menée lorsqu’un compromis fut adopté : les fils de Abdu Manaf auraient le droit de prélever l’impôt et de donner à manger et à boire aux pèlerins tandis que les fils de Abdou Ad-Dar garderaient les clés de la Ka’aba.Ce fut à Hashim que revint l’honneur de s’acquitter de cette tâche ; chaque année, il préparait les Quraysh à l’accueil des pèlerins par cette parole : « Ô gens des Quraysh, vous êtes les voisins de Dieu, le peuple de Sa Maison ; et pour cette fête, des visiteurs de Dieu viennent à vous en pèlerinage à Sa Maison. Ils sont les hôtes de Dieu et nul hôte n’a autant droit à votre générosité que Ses hôtes. Si ma propre richesse suffisait à y pourvoir, je ne vous ferais pas supporter ce fardeau. » [3]
Hashim épousa Salma, fille d’Amr, une influente femme de Khazraj, qui lui donna un fils, Shaybah. Il vivait à la Mecque tandis que son épouse éleva leur enfant à Yathrib. Il avait deux frères, Abdou Shams et Muttalib, et un demi-frère Nawfal. A sa mort, alors qu’Abdou Shams et Nawfal voyageaient durant de longues périodes pour leur négoce, Muttalib se vit confier le droit de donner à boire aux pèlerins et de prélever l’impôt pour subvenir à leur nourriture.
Vint le temps où ce dernier dut lui-même confier son devoir à un successeur, mais aucun de ses fils ni de ceux de Hashim ne pouvait se comparer à Shayba, fils de Salma et Hashim, qui manifestait déjà, malgré sa jeunesse, d’exceptionnelles qualités de chef. Muttalib se rendit à Yathrib afin de juger par lui-même la réputation que ramenèrent les voyageurs en provenance de Yathrib. Il demanda à Salma de lui confier son neveu, chose qu’elle accepta non sans mal, se rendant compte que de plus nobles opportunités s’ouvraient à son fils à la Mecque et qu’un jour il pourrait devenir l’un des chefs de Quraysh, tout comme le fut son père.
Dès leur entrée à la Mecque, à la vue du jeune homme, des voix s’exclamèrent « Voici Abd al Muttalib » (voici l’esclave de Muttalib). « Pauvres de vous ! leur lança Muttalib, il n’est rien de moins que le fils de mon frère Hashim. » Depuis ce jour, Shayba porta cette affectueuse appellation. Les espoirs suscités par ce jeune homme ne furent guère déçus et c’est ainsi que quelques années après le décès de Muttalib, les Quraysh lui remirent la charge de nourrir et abreuver les pèlerins.