Face à la pandémie, réapprendre à vivre ensemble
La pandémie de la Covid-19 est un choc mondial que personne n’a prévu. C’est l’incertitude. Elle sera peut-être passagère, mais ses effets et les changements de comportements seront durables. D’autres variants, virus et épidémies risquent, par ailleurs, d’apparaitre. Faire face à ce qui se passe s’impose, notamment pour tenter de répondre aux questions que se posent les peuples. Il faut se garder des deux excès : l’alarmisme et l’inconscience.
Il y a lieu d’esquisser le bilan de l’état du monde et d’œuvrer pour un mode de vie apaisé et de nouvelles relations interhumaines et internationales basées sur le bien commun. II est naturel et vital de penser ce moment historique, de réduire l’incertitude, en renforçant notre résilience et la consolidation du vivre ensemble. Les questions de la médecine et de l’épidémiologie ne sont pas des sujets isolés. En temps de pandémie, d’urgence sanitaire, il est difficile de concilier santé, liberté et économie. La vigilance s’impose, pour ne pas renoncer à les conjuguer.
Reconnaître dans cette pandémie, une épreuve majeure, du fait de nos comportements et déficits
Tous les problèmes se posent en même temps. La mondialisation de la modernité est incontournable, mais sa version sauvage et uniquement mercantile et inégalitaire produit des dysfonctionnements, des risques et des menaces, comme ce dangereux virus. Le devenir est commun. D’où l’importance de revenir au dialogue des civilisations et au vrai multilatéralisme démocratique. Les peuples, notamment les classes sociales défavorisées, subissent les dérives et les agressions de toutes natures. La solidarité humaine est la solution. Les inégalités Nord-Sud pour l’accès aux soins et aux vaccins sont injustes et immorales.
C’est un défi immense de coopération internationale pour faire humanité ensemble, faire société et préserver le vivant. Les enjeux prioritaires que soulève cette crise sont nombreux. Ils concernent la survie sur les plans de la démocratie et de la vie saine et équilibrée. Dans la discipline, nous ne devons pas démissionner, ni se limiter à subir.
Attachons-nous aux questions de fond : nous devons reconnaître dans cette catastrophe une épreuve majeure, du fait de nos comportements et déficits en matière de projet de société, de rationalité et d’éthique. Les manquements se paient. Il n’y a ni hasard ni impunité. Les catastrophes ne sont pas de simples accidents. Elles ne se produisent pas ex-nihilo. Le facteur humain et éducatif est fondamental. Il y a lieu de s’engager sur le chemin de la prévention.
Science, religion, culture… Face à la pandémie, aucun domaine n’est plus utile qu’un autre
Les problèmes sont multidimensionnels, les réponses doivent l’être aussi. La science est la clef principale, mais la spiritualité et la culture, bien comprises, sont une source d’éthique et de sagesse pour tenir compte du psychisme humain. En ces temps modernes, est incontournable le besoin de transcendance et la critique des cloisonnements des savoirs. Sans confusion, des passerelles et l’interdisciplinarité méritent d’être mises en avant. Cette crise est un signal d’alarme, un avertissement, qui nous engage pour méditer et agir sur le sens de la vie et la finitude humaine. Chaque citoyen ne peut qu’apprendre à se prémunir, et à protéger les autres, pour une vie saine et sage.
Face à la puissance de la maladie qui a mis à l’arrêt la planète et traumatisé les uns et les autres ; ceux qui sont conscients de la crise environnementale considèrent que c’est un avertissement de la Nature agressée. L’approche philosophico-politique, de son côté, estime que c’est le résultat de la course effrénée pour le pouvoir et le profit illimité et celui de la science sans conscience ni éthique, qui fait prendre des risques à l’humanité. Les croyants l’interprètent comme un avertissement divin à l’encontre de l’humanité qui a perdu les finalités de l’existence et le sens de la sagesse.
Face à la pandémie, l’heure est à l’intelligence collective et à l’anticipation, non point à la panique et au défaitisme
Les changements doivent être systémiques. C’est probablement la fin d’un monde, mais pas la fin du monde. Cette pandémie oblige à revoir nos comportements et à être patients et créatifs. Il ne s’agit pas de théories abstraites, ni d’interpréter unilatéralement et définitivement ce qui nous arrive, ni d’imaginer tout l’avenir, imprévisible, mais d’abord de penser notre présent, nos vulnérabilités et atouts et d’œuvrer par le dialogue pour un autre devenir, en alliant pluralité et unité, science et éthique. La pandémie est le reflet d’une crise profonde, de fin de civilisation, que l’Ordre mondial injuste ne veut pas reconnaitre.
Alors que faire ? Il s’agit de dialoguer et réapprendre à vivre ensemble, mondialement et localement, en fonction d’une culture de la justice, de la prévention, d’une éducation adaptée et d’une économie sociale rationnelle. Un nouveau paradigme. Le dialogue s’impose. L’heure est à l’intelligence collective et à l’anticipation, non point à la panique et au défaitisme. Cette pandémie survient au moment où le monde moderne est dans l’impasse. Le système dominant a échoué en partie à construire un monde juste et équilibré. C’est une occasion pour mettre l’accent sur les finalités de l’existence et les aspects positifs du progrès et des relations internationales pacifiques. Reste à corriger les aspects néfastes et conflictuels et à rechercher le raisonnable. Humilité et dignité sont liées.
Après la pandémie, il reste un avenir
La pratique de la religion peut renaître face à une telle situation, comme source de patience et de sagesse. La foi est intrinsèque à l’humain. La religion ouverte, équilibrée, réfléchie, devra s’élargir. Le rigorisme et les superstitions sont voués à l’échec. Rien n’est donné d’avance, mais lier authenticité et progrès, foi et raison, reste nécessaire. En particulier, un islam de France en harmonie avec les valeurs républicaines et les Lumières est déjà une réalité, malgré des crispations et incompréhensions, et le long chemin à venir. Les croyants et les non-croyants doivent réapprendre à vivre ensemble. C’est une responsabilité collective. La priorité est celle de l’éducation, y compris du fait religieux, de la culture et de la science, pour forger un citoyen responsable et éclairé. Unité et diversité doivent se conjuguer.
Cette crise sanitaire, géopolitique et morale met à mal les idéologies de l’exclusion, les populismes et le sentiment de supériorité du monde techniquement développé. Elle oblige à se corriger et à inventer un mode de vie et de gouvernance cohérents et apaisés. Chaque individu et chaque monde, sans relativisme, doit sortir de la prétention à détenir toute la vérité, en mettant l’accent sur le compter sur soi. Il reste un avenir, celui de l’écoute, de la solidarité et de l’amitié.
Première parution du texte sur le site de Saphirnews
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