Séparatisme : A quand une lutte sincère contre ce qui pousse au repli ?
Séparatisme, un mot longtemps oublié mais revisité et remis au goût du jour sous l’ère Macron. Le séparatisme serait la « volonté attribuée à un groupe humain, géographiquement localisé et possédant une homogénéité ethnique, linguistique ou religieuse réelle ou supposée et une tradition historique commune, de se détacher de l’État dont il fait partie pour constituer une entité politique autonome ». C’est du moins la définition politique de l’Encyclopédie Universalis de 1972.
Notre nouveau chef du gouvernement, a expliqué il y a quelques jours qu’un futur texte sur les séparatismes est en préparation visant à « éviter que certains groupes ne se referment autour d’appartenances ethniques ou religieuses ». Cela dans la foulée des propos de notre président qui, en février, affirmait qu’il est « possible de se sentir des identités multiples » à condition de « respecter les lois de la République » et l’appartenance à la nation.
L’ancienne porte-parole du gouvernement, disait également en février, lors d’une interview sur LCI, qu’« il y a un certain nombre d’endroits dans notre pays où il y a du repli communautaire, une volonté de se séparer de ce que sont les valeurs et les lois de la République ».
Soit. On prétend vouloir lutter contre le repli communautaire. Mais avant tout, y a-t-il une lutte sincère contre ce qui pousse au repli ? Ou une volonté politique d’agir pour accorder les cœurs et les esprits ?
Lutter contre les sources du repli communautaire
Les discriminations à l’emploi ou à l’école ; la banalisation de propos racistes, islamophobes, leur normalisation dans le paysage médiatique ; des condamnations clémentes ou quasi inexistantes… Voilà ce qui pousse certains au « repli communautaire ». Mais ôtez-moi d’un doute. Avant de lutter CONTRE, a-t-on cherché à œuvrer POUR ? Faire évoluer les mentalités, travailler sur l’identité pour rassembler et non diviser ?
Il y a quelques jours, j’ai été refoulée d’un restaurant sous prétexte qu’il était « complet ». Pourtant, les clients me succédant, n’ayant pourtant aucune réservation, ont reçu un accueil chaleureux et une jolie table mise à leur disposition… Ce n’était point de la paranoïa.
La gorge nouée, je suis partagée à ce moment-là, entre faire un esclandre, médiatiser « l’affaire » ou rebrousser chemin et penser à une autre réponse… Laquelle ? Je ne le savais pas.
J’ai finalement opté pour la seconde mais en veillant de suite à mettre les commentaires nécessaires sur les réseaux sociaux de cet établissement, et ce afin que d’autres futurs clients sachent où ils mettraient les pieds. Je me refuse à tenir un discours de victimisation, car ce n’était ni la première ni ne sera la dernière fois… et pourtant, on ne s’y fait jamais.
Alors oui, à la seconde, la minute, l’heure qui suivent, nous avons envie de nous replier sur nous-mêmes, Monsieur le Président, Monsieur le Premier Ministre, nous avons envie de nous retrouver avec ceux qui « nous ressemblent », avec ce dénominateur commun auquel nous avons été réduit un instant.
Cibler avant tout ce qui provoque les divisions et la haine
Ce sentiment est humain, il émane du cœur et de l’esprit de celui qui a « subi » une discrimination ethnique, religieuse ou autre. Suis-je devenue une séparatiste un instant ? Ou le serais-je si je décide d’instrumentaliser ce sentiment pour en faire l’étendard d’une lutte ? L’exprimer, l’exposer ici en est peut-être le début pour vous ?
Si je me détache de certaines de vos ambitions politiques, je ne me détache pas pour autant de ma patrie ni de l’Etat, je ne suis point séparatiste… juste réaliste. Lutter contre le séparatisme n’est que diversion, c’est ce qui provoque les divisions et sème la rancœur et la haine dans les cœurs qu’il faut cibler.
Ne pas se résigner face aux discours politiques qui continuent à tourner autour du pot
Il y a quelques années, lors du débat sur l’identité nationale, en bon petit soldat de l’Education nationale, mais curieuse de connaître les opinions de mes élèves, je décidais d’instaurer une table ronde autour de cette thématique.
Qu’elle a été, non pas ma surprise, mais ma tristesse, lorsqu’une élève prit la parole pour tenir les propos suivants : « Je veux me sentir Française mais on ne me laisse pas l’être ou le ressentir. »
Je la comprenais. Comme elle, j’ai été à l’école de la République, j’ai reçu une éducation exemplaire durant laquelle mes parents me rappelaient que je devais trouver ma place dans cette société en tant que Française musulmane, fille d’immigrés marocains.
J’ai grandi et joué avec des camarades de toutes confessions, de toutes origines. J’ai étudié, exercé ; je me suis intégrée, assimilée (nommez cela comme vous le voulez), bien que tout au long de ce parcours, certains tenteront de me désintégrer, de me décourager, de me voir… m’effacer, renier ce que je suis ou encore même me replier.
À l’aube de mes 40 ans, où je tente de contribuer au quotidien à l’éducation de la jeunesse de ma patrie, en une prise de conscience à assumer ses identités multiples, je ne peux me résigner à entendre un discours politique qui continue à tourner autour du pot. Vous, Monsieur le Président, n’êtes point aveugle, ni sourd, vous êtes doué d’intelligence mais vous semblez conforté dans ce choix de la facilité, garder un bouc-émissaire en « isme » tout en ajournant ou simplement en ignorant les plans d’actions qui résoudraient les vrais problèmes que chaque Français rencontre au quotidien.
Nous sommes nombreux à nous investir au quotidien pour la génération de demain
Oui, il est possible de vivre avec ses identités multiples et, pour cela, il faut l’enseigner à nos enfants, car le poids de notre Histoire doit être assumé, le présent doit nous responsabiliser et le futur être observé à travers le regard de ceux-là même qui vont le porter et en être les acteurs.
Refusons que nos enfants soient la génération de « la lutte contre », aspirons et construisons avec eux pour qu’ils soient la génération de « la réflexion et l’action pour ». C’est en cela, Monsieur le Président que nos énergies respectives doivent servir. L’avenir de notre pays c’est eux, regardez-les. Leurs identités sont multiples, ils doivent en être fiers.
Nous sommes nombreux, simples citoyens, à nous investir au quotidien pour eux, à agir POUR. Nous avons choisi de tisser des liens forts avec ceux qui seront les bâtisseurs de demain pour qu’ils tissent eux-mêmes, dès le plus jeune âge des liens forts avec leur pays.
Enfants de la patrie, un peu d’ici et d’ailleurs, ils sont contributeurs de la Nation car le temps de l’observation, de l’acceptation et de la résignation est révolu.
Première parution du texte sur le site de Saphirnews