Quand l’épreuve laisse transparaître les bienfaits divins
Nul ne peut ignorer que les bienfaits de Dieu sur Ses créatures sont innombrables. Dieu dit : « Il vous a accordé de tout ce que vous Lui avez demandé. Et si vous comptiez les bienfaits de Dieu, vous ne sauriez les dénombrer. L’homme est vraiment très injuste, très ingrat. » [1], « Ne voyez-vous pas que Dieu vous a assujetti ce qui est dans les cieux et sur la terre? Et Il vous a comblés de Ses bienfaits apparents et cachés. Et parmi les gens, il y en a qui disputent à propos de Dieu, sans science, ni guidée, ni Livre éclairant. » [2]
Ces versets nous enseignent que les bienfaits de Dieu peuvent être apparents ou cachés, collectifs ou individuels, tangibles ici-bas ou espérés dans la vie dernière.
Pour exemple, parmi les bienfaits apparents collectifs, l’Homme a été créé dans un écosystème entièrement adapté à lui. Il n’a pas à se soucier de l’eau qui tombe du ciel, de l’air qu’il respire, des rayonnements qui traversent l’atmosphère, de la diversité des fruits qu’il mange, de la beauté des paysages qui se profilent devant lui à chaque instant, et bien d’autres bienfaits encore ! Par Sa Grâce, tout ce que Dieu a créé autour de l’Homme, Il l’a assujetti pour lui. Les bienfaits individuels, quant à eux, concernent tout ce qui fait l’Homme. Il s’agit notamment de la vue, l’ouïe, l’odorat, la parole, l’intelligence, etc. Chacun de ces bienfaits ne nécessite aucun effort à fournir par l’Homme et pourtant chacun d’entre eux est essentiel à sa vie et à son bien-être. Enfin, par Sa Grande Bonté, Dieu a aussi choisi d’accorder à l’Homme des bienfaits cachés parmi lesquels il y a la spiritualité, la piété, la guidée, Son évocation, Sa Miséricorde, Sa Proximité, etc.
Par Sa Grande Miséricorde, Dieu a permis à l’Homme de jouir sans entraves de tous ces bienfaits. Or, celui-ci, toujours ingrat, pense qu’ils lui sont dus ! Pire encore, il en use comme bon lui semble, suivant ses passions, ses désirs et ses plaisirs outre mesure ! C’est ainsi que l’Homme en oublie les bienfaits dont il est comblé, en oublie Celui qui les lui a accordés jusqu’à en disposer avec excès et sans responsabilité. Dieu dit « Prenez-garde! Vraiment l’homme devient rebelle, dès qu’il estime qu’il peut se suffire à lui-même. Mais, c’est vers ton Seigneur qu’est le retour. » [3]
Malgré cela, par amour pour l’Homme, Le Créateur lui accorde un bienfait ultime : l’épreuve. Oui, car instinctivement, la personne éprouvée se remémore des bienfaits dans lesquels elle baignait sans s’en rendre compte. Et alors, soit elle ne saisit pas le message divin et continue de vivre dans l’excès, soit elle en tire leçon et s’efforce de se réformer. Dans l’espérance de l’amour de Son Seigneur l’Homme se doit ainsi de vivre chacune des épreuves qui le touchent comme un bienfait supplémentaire.
Parmi les objectifs de ce bienfait qu’est l’épreuve, Dieu veut que l’Homme se réveille de son insouciance, prenne conscience de sa faiblesse et de son ingratitude. C’est alors que, humblement, le serviteur se retourne vers son Créateur et L’implore car le serviteur commence à comprendre que toute chose est entre Ses Mains.
Pour comprendre le vrai sens de l’imploration, nous devons revenir à l’étymologie du mot arabe « tadarra’a » dont la racine est « dara’a », qui signifie douceur et humilité. Ce mot en arabe fait référence aux mamelles de la chèvre. Lorsque le chevreau se place sous sa mère, redresse la tête et donne de grands coups de tête dans la mamelle pour faire monter le lait, on emploie ce mot « tadarra’a ». Sa mère le couvre aussitôt de son amour tandis que lui tète vigoureusement en frétillant de la queue. Des fois, lorsqu’il a du mal à téter correctement, la mère écarte un peu ses pattes arrière en arquant un peu la croupe, et replace son petit de ses pattes avant et le lèche vigoureusement pour le stimuler.
Notre modèle, le Prophète – Paix et bénédiction de Dieu sur lui – bien qu’étant la créature humaine la plus parfaite, dénuée de toute ingratitude envers son Seigneur, s’est vu aussi éprouvé. A la mort de son oncle, Abu-Talib qui le protégeait à la Mecque contre les méfaits de Quraych, le Prophète – Paix et Bénédiction de Dieu sur lui – est sorti chercher de l’aide auprès de la tribu des Thaqifs. Devant le refus violent de cette dernière, le Prophète – Paix et Bénédiction de Dieu sur lui – s’est vu contraint de se réfugier dans un verger privé. Se sentant en sécurité et en paix il se mit à prier : « Ô Dieu, à Toi je me plains de ma faiblesse, de mon impuissance et de ma misérable condition devant les hommes. Ô le plus Miséricordieux des miséricordieux, Tu es le Seigneur des faibles et Tu es mon Seigneur, Entre les mains de qui veux-Tu me remettre ? À quelque étranger lointain qui me maltraitera ? Ou à un ennemi à qui Tu auras donné pouvoir contre moi ? Je ne me fais point de souci, à condition que Tu ne sois pas courroucé contre moi. Mais Ton aide gracieuse m’ouvrirait un chemin plus vaste et un horizon plus large ! Je prends refuge dans la Lumière de Ta Face par laquelle toutes les ténèbres sont illuminées et les choses de ce monde et de l’autre sont justement ordonnées, afin que Tu ne fasses pas descendre sur moi Ta colère et que Ton courroux ne m’atteigne pas. Pourtant, il T’appartient de blâmer tant que Tu n’es pas satisfait. Il n’y a de puissance ni de force qu’en Toi. »
Dieu dit dans le Coran : « Implorez votre Seigneur en toute humilité et recueillement et avec discrétion. Certes, Il n’aime pas les transgresseurs. Et ne semez pas la corruption sur la terre après qu’elle a été réformée. Et invoquez-Le avec crainte et espoiir, car la miséricorde de Dieu est proche des bienfaisants. » [4]
Ce verset nous apprend que, par l’imploration, l’Homme affirme et reconnait sa faiblesse devant La Force de Dieu, son humilité devant Sa Majesté, sa petitesse devant Sa Grandeur et son indigence devant Sa Richesse : ce sont là toutes les qualifications de l’adoration, du culte pur et du dévouement par excellence.
L’Homme intelligent est celui qui, avant que l’épreuve ne le touche, est reconnaissant des bienfaits de son Seigneur. Et lorsque l’épreuve le touche, il est d’autant plus reconnaissant de ce nouveau bienfait. La reconnaissance est ainsi exprimée par le cœur, la langue et le corps. Par le cœur en reconnaissant que tous les bienfaits viennent exclusivement de Dieu. Par la langue en Le remerciant constamment. Par le corps en utilisant les bienfaits pour devenir bienfaisant.
Et quel plus beau bienfait de Dieu que la reconnaissance !
Dans une interview sur France Bleue, en avril, une philosophe allemande a fait ce témoignage : « Que l’on soit très riche, très pauvre, que l’on vive aux Etats-Unis ou en Inde, on vit la même expérience de confinement. C’est très étrange. On pourrait se dire que finalement cela nous rend conscients que l’on appartient tous à une seule et même humanité… Là, nous faisons une expérience de privation complète qui nous apprend à quel point la liberté, être en bonne santé et avoir des amis est formidable. Cette expérience de privation est donc très riche et précieuse. Elle donne du prix à ce dont nous n’avions pas conscience. »
Dans le discours du président Macron du 12 mars dernier, je cite : « Ce que révèle d’ores et déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite, sans condition de revenus, de parcours ou de profession, notre Etat-providence ne sont pas des coûts ou des charges, mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe… c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. »
Le monde tout entier aujourd’hui est plus à même de tirer les leçons de l’épreuve de la pandémie qui fait beaucoup de victimes et qui a comme conséquence directe de dévoiler à l’œil nu que l’homme moderne ne sait pas être reconnaissant envers son Seigneur par rapport à tous les bienfaits dont Il le comble. Cette épreuve qui a dévoilé de nombreuses anomalies politiques, économiques, philosophiques, sociétales, sanitaires, relationnelles, et j’en passe, de notre société moderne.
Après cette crise, le monde entier est très attentif à ce que proposeront ceux et celles qui sont aux responsabilités, comme changements majeurs dans leurs vies et dans le mode de gestion de la vie des pays dont ils ont la gouvernance. Sont-ils capables de mettre en place les jalons d’une société qui sera plus douce et amie avec l’homme ? Sont-ils capables de mettre en priorité les valeurs centrales que sont la vie, la dignité de l’homme, la santé, la famille, l’amour, le partage, le vivre ensemble, l’égalité, la fraternité, la sécurité, l’écologie, la liberté, la spiritualité, etc. ?
(1) Abraham : 34-35
(2) Loqman : 20
(3) L’adhérence : 6-7
(4) Les limbes : 55-56