Se maîtriser : maintenir le cap
Nous attendons chaque année notre précieux mois béni de Ramadan.
Un non-musulman s’étonne de cet engouement, cette excitation et cette joie à l’approche de cette période de jeûne qui lui paraît finalement comme un mois de privation et de torture.
Pour le musulman, le Ramadan est tout autre. Il a foi en la récompense de son Seigneur ainsi qu’en la Vie Dernière. Il a connaissance des immenses bienfaits et vertus que renferme ce mois béni.
Au-delà des bienfaits sur la santé qui sont multiples, il a un impact social poussant à la compassion envers les démunis, à la générosité et l’organisation de la communauté.
Il a une dimension bien entendu religieuse et spirituelle, qui est un axe central puisque Dieu dans le Coran nous incite durant ce mois à faire le maximum afin d’atteindre la piété.
« O les croyants ! On vous a prescrit le jeûne (As-siyam) comme on l’a prescrit à ceux d’avant vous, ainsi atteindriez-vous la piété » (1)
Mais, le ramadan apporte aussi la dimension comportementale et psychologique.
En effet, pour nous croyants, le Ramadan est une école. Au cours de ce mois béni, Dieu nous a mis à disposition de nombreux outils et facilités, pour nous permettre de faire un pas en avant dans notre ascension vers Lui et dans notre cheminement éducationnel.
Le jeûne du Ramadan nous offre donc le moyen d’apprendre la maîtrise de soi. Le croyant privé de ses désirs, dépendances, et habitudes auxquels il est le reste du temps enchaîné, libère son âme progressivement durant cette coupure, pour se tourner vers ce qui est essentiel : sa relation à Dieu.
Ainsi, de même que nous contrôlons nos organes et notre corps, nous devons contrôler nos émotions, réactions et agissements négatifs. Se maîtriser et contenir ses colères notamment est un pilier du jeûne de Ramadan.
Dieu par Son Immense générosité a souhaité que nous nous surpassions lors de ce mois, c’est ainsi qu’Il a enchaîné les démons.“Lorsque le mois de Ramadân arrive, les portes du Paradis sont ouvertes et les portes de l’Enfer sont fermées, et les démons sont enchaînés.” (rapporté par Al-Bukhârî). Une facilité qui nous permet de nous consacrer à la lutte contre nous-mêmes et contre cet ego qu’il est nécessaire d’éduquer pour espérer la satisfaction et l’agrément de Dieu.
Le Prophète – paix et bénédiction sur lui – a dit également : « Celui qui n’abandonne pas le mensonge et les mauvaises actions, alors Dieu n’a pas besoin qu’il abandonne sa nourriture ni sa boisson. » (2) Dieu, Exalté soit-Il, n’approuve pas le jeûne de celui qui ne se contrôle pas et ne maîtrise pas ses paroles, sa colère et son comportement.
Abou Houreyra, que Dieu l’agrée, a rapporté qu’un homme dit au Prophète, paix et bénédiction soient sur lui : « Fais-moi une recommandation », « Ne te mets pas en colère » répondit-il. L’homme réitéra sa demande plusieurs fois, et le Prophète, paix et bénédiction soient sur lui, lui répondit à chaque fois : » Ne te mets pas en colère » (3).
La gestion de nos émotions et de notre ego est un immense travail qui n’est donc pas préconisé seulement durant le mois de Ramadan ou en période de jeûne.
L’Ansarite, Djaber Ibn Abdallah a dit : « Si tu jeûnes, alors fais jeûner ton ouïe, ton regard et ta langue du mensonge et du péché. Ne maltraite pas ton serviteur. Reste calme et serein le jour de ton jeûne et ne fais pas en sorte que le jour du jeûne soit identique au jour de non-jeûne. »
Dieu nous a donné des outils pour permettre de nous éduquer et maîtriser nos comportements, colères et réactions négatives.
En ce qui concerne la colère, c’est l’émotion la plus difficile à contrôler notamment en état de jeûne. Elle est, comme nous l’avons dit, une émotion. Elle résulte généralement d’une insatisfaction, d’une frustration, ou d’un événement indésirable.
Elle peut prendre différentes intensités selon le vecteur, le contexte mais également la personnalité de l’individu.
Elle est souvent comparée à une petite flamme qui, si elle s’exprime, se transforme en un feu qui dévaste tout sur son passage et qu’on arrive à éteindre difficilement.
Alors comment être de ceux qui réussissent à maîtriser cette flamme ?
-En période de ramadan, la première chose à faire est de se rappeler que nous sommes en état de jeûne. Le Messager de Dieu, paix et bénédiction soient sur lui, a dit : « Le jeûne est un bouclier. Lorsque l’un de vous jeûne, qu’il ne prononce pas de paroles obscènes et qu’il ne se mette pas en colère. Si quelqu’un l’insulte ou l’agresse, qu’il dise : « Je jeûne » deux fois. » (4).
-Il est essentiel de demander à Dieu refuge contre Satan, en prononçant ce qu’on appelle : Isti’adha.
-Le Prophète, paix et bénédiction soient sur lui, nous a également recommandé de faire nos ablutions. L’objectif étant de se purifier de ses mauvaises pensées et reprendre le contrôle de soi-même.
-Pour sortir de cet état d’irritabilité, il nous a préconisé de changer de position : « Que celui d’entre vous qui se met en colère s’assoit s’il est debout. Si sa colère ne se dissipe pas qu’il s’allonge sur le côté. » (5)
-Il est également important de réfléchir au motif de sa colère et recadrer la situation. Si une personne a fait un acte qui vous a mis en colère, il est important de lui accorder le bénéfice du doute, et lui trouver des excuses. L’Imam Ja’far Ibn Mohammed (qui faisait partie de la première génération après les compagnons du Prophète, paix et bénédiction sur lui) a dit: « Si quelque chose te parvient sur ton frère et que cela te paraît étrange alors trouve à ton frère des excuses jusqu’a 70 excuses ! Soit tu lui trouves une excuse (motif); soit dis-toi : « peut-être a-t-il une excuse que je ne connais pas.»(6)
-Même si la colère est justifiée (par une injustice par exemple), mieux vaut réagir après coup afin d’avoir le recul nécessaire pour engager un dialogue dans le calme et la sagesse. La meilleure réaction étant de se contenir en gardant le silence et en attendant que le sentiment de colère et d’irritabilité s’estompe.
Il est donc important que nous soyons persuadés que la maîtrise de soi-même est une preuve de force et d’excellence comme nous l’a enseigné notre noble prophète, paix et bénédiction soient sur lui :« L’homme fort n’est pas celui qui peut terrasser les autres ; l’homme fort est celui qui sait se contrôler lorsqu’il est en colère.» (7).
Que Dieu fasse de ce ramadan un tremplin pour avancer dans notre cheminement spirituel et notre quête éducationnelle. Qu’Il nous permette de nous élever au niveau de Ses rapprochés et des gens de l’excellence et du bel-agir.
(1) Sourate 2 verset 183
(2) Al Boukhari
(3) Al Boukhari
(4) Al Boukhari et Muslim selon Abou Hourayra
(5) Ahmad et Abou Dawoud
(6) Al-Bayhaqi
(7) Al Boukhari